Maison Actualité Lettre ouverte de René Derouin pour le Centre d’exposition

Lettre ouverte de René Derouin pour le Centre d’exposition

- Mon appartenance au territoire va au-delà du national. C’est un mouvement organique et intuitif, qui est de l’ordre de celui des outardes. René Derouin, «Suite Val-David», au Centre d’exposition de Val-David, été 2010.

 

Lettre ouverte de René Derouin à la mairesse, Dominique Forget, et aux conseillers municipaux de la Municipalité de Val-David

 

Chère Dominique, chers conseillers,

Je me devais de vous écrire lorsque j’ai appris les importantes coupes au budget du Centre d’exposition de Val-David. C’est comme si vous me disiez : nous allons vous couper l’eau. Mais le Centre d’exposition, n’est-ce pas ce qu’on se doit de considérer comme un service public? La culture, l’eau, la bibliothèque… ce sont des services essentiels, ici.

Je suis énormément surpris de cette décision, et ne peux y croire. Et je vais vous dire pourquoi. Je suis un citoyen de Val-David depuis 65 ans et même un peu plus. Mon expérience de citoyen m’a fait voir et vivre son magnifique développement, à travers la ténacité d’une génération.

Durant les années soixante, si nous avons choisi d’habiter Val-David, c’était à cause de la nature même de ce qui se dessinait dans cette communauté, de l’importance des projets culturels qui y prenaient racine, lesquels semblaient profondément liés à la vie de plein air déjà active et pleine de promesses pour l’avenir.

Bien souvent, on confond la culture et les loisirs. Je suis un artiste, mais comme c’est souvent le cas dans la durée d’une démarche et d’une œuvre, je suis aussi un entrepreneur culturel. J’ai participé de multiples façons au développement économique de Val-David, à sa réputation de milieu culturellement exigeant, avec bien d’autres membres engagés de cette communauté.

Rien d’étonnant, accessoirement, après soixante ans d’investissement dans cette vie culturelle et dans la défense d’une nature protégée par cette même conception de la culture, basée sur le respect des lieux et des gens, si aujourd’hui on constate que les terrains et les maisons valent très cher!

Et cela n’est pas étranger au nombre de gens que nous avons, par nos activités culturelles, fait vivre, au nombre de gens venus y habiter, attirés par la qualité de vie que nous partageons ici. Nous avons collectivement construit une réputation à ce village. Tous les médias, tous les réseaux de télévision sont venus observer, année en année, ce que l’empreinte de la culture peut faire sur un mode de vie en conjonction étroite avec la nature.

Val-David : 100 ans d’art et de culture D’HIER À DEMAIN
René Derouin, Louis Mulhstock, Rachel Muhlstock, Chisto Stephanoff, Pierre Leblanc, Bernard Chaudron, Paul Simard, Guy Montpetit, Claude Sarrazin, Alain-Marie Tremblay, Gilles Boisvert

 

Malheureusement, nous oublions que le temps efface la mémoire des luttes qu’il a fallu mener pour créer des institutions comme le Centre d’exposition de Val-David. Un lieu unique et vivant de rassemblement de la vie artistique devenu, à l’usage, partie intrinsèque du service public à la communauté.

Je sais que Val-David vit des problèmes économiques difficiles, comme partout au Québec. Mais nous ne pouvons affaiblir une institution telle que le Centre d’exposition de Val-David, car ce serait baisser notre plus beau pavillon, couler le vaisseau amiral de notre réputation de village culturel.

Car, choisir de vivre à Val-David, par-delà la plus-value des propriétés et des terrains, c’est choisir de s’inscrire dans une communauté qui chérit sa forte présence culturelle, sa réputation nationale, et par les artistes qui la cautionnent en vivant ici, par sa dimension internationale. Le Centre d’exposition de Val-David est l’expression même de cette existence.

René Derouin

Je tiens à dire qu’en décidant de rester à Val-David pour toute notre vie, ma conjointe et moi, nous avons fait le choix d’investir dans un village capable de garder vivantes ses institutions culturelles. Le Centre d’exposition de Val-David, en plein cœur du village, est l’expression de cette présence artistique, de ce message aux jeunes générations, qui est simplement que la valeur des biens et des lieux est directement proportionnelle à la capacité que nous avons d’aimer ce que nous sommes et de l’exprimer avec le plus de vigueur possible. J’espère que notre message sera entendu.

Cordialement citoyen,

René Derouin

www.renederouin.com

 

Pour mémoire : L’artiste René Derouin est lauréat des prix et honneurs suivants : prix Paul-Émile-Borduas 1999 • Ordre mexicain de l’Aigle ordre Aztèque 2006, seul artiste canadien à avoir reçu cette distinction • Chevalier de l’Ordre national du Québec 2008 • Membre de l’Ordre du Canada 2010 • Fondateur des Jardins du précambrien 1994 • Compagnon des arts et des lettres du Québec 2016.

 

NDLR — À la suite de l’inauguration de l’exposition RAPACES au Centre d’exposition de Val-David en 2017, son Excellence le Consul général du Mexique au Canada, S. E. M. Alejandro Estivill Castro, a dit à Mexico : « Quand nous parlons du Québec, avant tout, nous parlons de Val-David. »

Val-David : 100 ans d’art et de culture D’HIER À DEMAIN
Claude Savard, Jacques Dieudonné, Yves-Gabriel Brunet, Ginette Anfousse, Michel-Pierre Sarrazin, Jocelyne Aird-Bélanger, Louise Blanchard, Jocelyne Benoit, Marcel Carrier, Robin Hutchinson, Indira Nair, Livre d’artistes de l’Atelier de l’île, Kittie Bruneau, Michel-Thomas Tremblay, Michel Beaudry, Bonnie Baxter, Kynia Ishikawa