À propos du journal
Pourquoi nous sommes (encore) là
Depuis 50 ans
par Michel-Pierre Sarrazin, éditeur
En 2018, la journaliste Marie-Ève Martel écrivait : « Comme la santé et l’éducation, l’information sociale et politique est un bien public qu’une société mature doit s’offrir[1]. » L’information publique n’est pas un luxe, mais une nécessité. C’est exactement dans le but d’assurer ce service aux citoyens de Val-David et de ses environs que notre journal, depuis un demi-siècle, s’est maintenu.
Fidèlement et passionnément, Ski-se-Dit recense jour après jour, sur papier comme en format numérique, ce qui est pour la communauté des Hautes-Laurentides de l’information essentielle. Avec le temps, il est devenu un des partenaires actifs de la vie citoyenne, dans son contenu éditorial aussi bien que publicitaire, devant les changements rapides de notre époque; il couvre l’actualité du milieu au plus près, reflétant l’actualité sociale, culturelle, politique et économique de sa région comme nul autre journal ne le fait, en particulier grâce à la qualité de ses chroniqueurs et de sa ligne éditoriale.
Depuis cinquante ans, le journal Ski-se-Dit a été la voix et le témoin de tous les événements marquants du village de Val-David, mais aussi le reporter de l’actualité régionale, dans ses plus modestes manifestations comme dans les grandes circonstances. Source permanente de l’histoire, le Journal publiait en 2021, en collaboration avec ses chroniqueurs, le livre Val-David, terre d’accueil; quelques fragments d’histoire (1849-2021), un ouvrage historique largement documenté par ses archives[2]. Depuis 1973, alors qu’il est d’abord un bulletin de ski né au pied des pentes (d’où son nom de Ski-se-Dit), il aura été le mode d’expression de plusieurs centaines de citoyens qui ont participé à la vie municipale et régionale, un témoin constant des activités de plein air, d’art et de culture, tout autant que référent des grands événements et des enjeux du milieu, par exemple : les activités de la boîte à chansons La Butte à Mathieu (1959-1976); la création de 1001 Pots, le plus grand rassemblement annuel de céramistes au Canada (1989); la construction de l’autoroute des Laurentides, pour laquelle Val-David a servi de zone d’exploitation massive avec plus de dix carrières de gravier en exploitation simultanément sur les 17 km2 de son territoire (1972-1974); la création du parc linéaire des Laurentides, dont le tronçon valdavidois traverse le cœur du village (1996); la création du parc régional Val-David–Val-Morin (1997), un lieu recherché par les grands sportifs de l’escalade et du ski de fond; l’ouverture du premier grand marché public agroalimentaire des Laurentides (2000), reconnu en 2021 par l’organisme international Slowfood pour la qualité des produits qui y sont offerts, au juste prix.
Bien entendu, la presse régionale au Québec, par ses multiples hebdos appartenant essentiellement à deux ou trois magnats de la presse, s’emploie à couvrir la majorité des événements locaux, mais bien souvent de manière succincte. À l’inverse des journaux communautaires, la nouvelle y a moins d’importance que la publicité qui l’entoure.
Pour un journal communautaire comme le nôtre, et comme c’est le cas des nombreux journaux communautaires au Québec qui réussissent à survivre avec peu de moyens, l’approche est plus intime, si on peut dire, souvent plus complète et d’une manière originale à chacun, l’article va au-delà des premières impressions. Il arrive que la poésie prenne le pas sur le dernier accident de la route, ou que l’entrevue avec une femme centenaire soit au premier plan, au côté des exploits des Palettes roses, parties en France jouer au hockey entre filles! Ainsi, même avec le numérique comme véhicule à haute vitesse, nous choisissons bien souvent de prendre le temps de vivre, au détriment du sensationnel et du spectaculaire. Cela explique peut-être un peu notre pérennité.
Témoigner de la vie ordinaire, ne serait-ce que pour faire contrepoids à la frénésie médiatique qui, depuis quelques années, attire l’attention de tous sur les mêmes nouvelles, à répétition, ad nauseam, telle est notre mission première : parler de ce dont personne ne parle sur les grandes tribunes, ou si peu, notamment sur les régions et la vie qui s’y déroule. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il y a de la vie entre les métropoles.
Nous n’avons pas inventé le genre. Il faut dire que depuis que l’homme, dans ses premières cavernes, a trouvé utile de léguer à ses descendants, par de jolis dessins sur la pierre, ses trucs et astuces pour chasser le mégacéros avec succès, l’humanité a eu le réflexe de repérer autour d’elle les signes et les pistes utiles. La grotte de Lascaux est sans doute le premier des journaux communautaires connus.
Un poil plus tard, historiquement parlant, l’imprimerie est née de ce besoin qui nous démange de savoir qui a fait quoi, quand, où et comment. Aujourd’hui, c’est la fibre optique qui nous sert de plateforme, mais c’est essentiellement pour dire la même chose. On a fini par comprendre que pour aller quelque part, il n’est pas mauvais de savoir d’où l’on vient. Notre journal Ski-se-Dit joue ce rôle de mémoire depuis un demi-siècle, et nous en sommes plutôt contents. Après l’effet nucléaire de la COVID-19 sur notre conscience sociale, ne sommes-nous pas entrés dans l’ère du grand questionnement? Pourquoi faisons-nous ce que nous faisons, et à quoi cela sert-il? Lisez notre journal, dans sa version papier ou internet et sur les réseaux sociaux, vous risquez d’y trouver quelques bonnes réponses.
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[1] Extinction de voix, plaidoyer pour la sauvegarde de l’information régionale, Marie-Ève Martel, Éditions Somme toute, 2018.
[2] Val-David, terre d’accueil; quelques fragments d’histoire (1849-2021), sous la direction de Paul Carle et Michel Allard, Ski-se-Dit et SHPVD, éditeurs, 2021, 275 p., un ouvrage marquant le 100e anniversaire de fondation du village de Val-David.