
Paul Carle et Michel Allard, historiens
Période 1892-1931
L’arrivée du train et ses suites
La date du 3 juillet 1892 doit être marquée d’une pierre blanche dans l’histoire de notre municipalité. En effet, c’est vers 11 heures qu’un premier convoi ferroviaire s’arrête quelques minutes à la gare de « Belisle’s Mills Station[1] ».
L’arrivée du train, en plus de briser l’isolement, facilite désormais les communications avec le reste de la province. Le train procure aussi aux colons un débouché pour la vente du bois, d’autant que, depuis 1888, grâce aux efforts du curé Labelle alors sous-ministre de la colonisation, un amendement aux conditions relatives à l’acquisition d’un lot permet, sous certaines conditions, aux colons de vendre le bois de leur terre.
Un second hameau
La construction de la gare « Belisle’s Mills » accélère le développement d’un second hameau (le premier étant situé dans le secteur du lac Paquin) qui avait commencé à se former à proximité des moulins de Joseph Bélisle. La gare devient le point de convergence des colons. Divers artisans et services dont un bureau de poste et une école s’établissent à proximité. Malgré que les recensements de 1901 et 1911 nous apprennent que la population du territoire d’alors de Val-David est relativement stable, elle est désormais répartie à peu près également sur les deux rives de la rivière du Nord[2].
La paroisse religieuse
En 1917, les colons déposent une demande auprès de Mgr Brunet, évêque du diocèse de Mont-Laurier récemment formé, afin de fonder une paroisse religieuse sous le patronage de Saint-Jean-Baptiste. Leur demande est agréée. L’abbé Ernest Brousseau est nommé curé résident. Une chapelle est alors érigée puis une église en 1922. La paroisse compte 485 personnes réparties en 71 familles. Ironiquement, un an avant de célébrer son 100e anniversaire, l’église perd sa vocation première de lieu de culte au profit d’un centre communautaire sous le nom de salle Athanase-David. Le saint a cédé sa place à l’homme politique.
La municipalité de village
Suivant l’ordre des choses, du moins lors de la colonisation des Laurentides, la fondation d’une municipalité suit, à quelques années près, celle de la paroisse religieuse en empruntant le même territoire et le même toponyme. C’est le cas de la municipalité qui, en 1921, prend le nom de Saint-Jean-Baptiste en ajoutant toutefois un complément, soit Bélisle, rappelant les moulins du même nom ainsi que la gare ferroviaire. Les débuts de la nouvelle municipalité sont encourageants. Plusieurs lots sont subdivisés. Des chalets et parfois des résidences sont construits pour accueillir des familles francophones, anglophones, dont certaines d’origine juive. Plusieurs accompagnent leurs proches atteints de la tuberculose. Quelques autres viennent pratiquer des activités de plein air.

La crise économique 1929-1940
Le début des années 30 marque une période difficile pour Val-David. La crise économique frappe fort, le chômage est généralisé; la municipalité s’impose une taxe sur ses biens mobiliers et immobiliers qui sert entre autres à verser de l’argent à ses commettants via l’« assistance publique ». Près de 40 % de la population est inscrite sur la liste de l’assistance publique. Le conseil municipal réitère à plusieurs reprises au gouvernement provincial une demande pour bénéficier de l’« argent du chômage[1] ». Les autorités de la municipalité embauchent avec ces fonds plusieurs de ses citoyens dits « nécessiteux[2] » pour refaire et améliorer plusieurs de ses chemins et ponts, dont la rue principale (rue de l’Église), la route reliant Val-Morin et Val-David, le pont Trudeau.
Début de la diversification sociale et économique
À tout malheur, nous dit le proverbe, bonheur est bon. Val-David, jusqu’alors, était demeurée, en partie faute d’établissements hôteliers convenables, quelque peu à l’écart de la vague des touristes ayant envahi les municipalités voisines de Sainte-Agathe et de Sainte-Adèle.
En 1932, Léonidas Dufresne, maire de Val-David, aménage sur le ruisseau Doncaster un lac artificiel. Le tour du lac est subdivisé en terrains. Des chalets et des résidences y sont érigés. En 1935, alors que la crise économique sévit de plus belle, Léonidas Dufresne entreprend la construction d’une auberge de vingt chambres. Au fil des ans, cet établissement hôtelier contribuera à la réputation de Val-David comme une authentique destination touristique. Des maisons de pension, ancêtres des auberges, voient le jour. Soulignons entre autres, en 1931, la Villa Mon Repos sur le chemin de la Rivière, et en 1932, la Pension Laubenstein sur la rive du lac Doré.

D’autres commerces, dont une glacière en 1935, un grossiste La Confection Val-David ltée, en 1936, ont désormais pignon sur rue. Déjà, en 1930, une succursale de la Banque Nationale s’était établie à Val-David.
En somme
Au cours de la période de 1892 à 1940, la population de Val-David demeure relativement stable. Toutefois, l’agriculture et le commerce du bois ne sont plus désormais les seules activités économiques. L’industrie touristique fournit de plus en plus d’emploi aux résidents permanents.
[1] La société d’histoire de la Chute-aux-Iroquois, éd. Le train du Nord vers Labelle, p. 42 https://www.municipalite.labelle.qc.ca/images/documents/histoire/livre_le_train_du_nord_vers_labelle.pdf
[2] Données compilées d’après le Recensement de 1911
https://www.bac-lac.gc.ca/fra/recensements/1911/Pages/propos-recensement.aspx
[1] On consultera à cet effet les procès-verbaux des assemblées du conseil municipal des années 1931 à 1936 (Archives de la municipalité de Val-David).
[2] Le procès-verbal de l’assemblée du conseil municipal du 14 septembre 1933 (Archives de la Municipalité de Val-David) dresse la liste des personnes et familles nécessiteuses de Val-David; on y compte 24 familles, pour un total de 122 personnes à soutenir ou bouches à nourrir. Le procès-verbal de l’assemblée suivante du 4 décembre 1933 rallongeait la liste de 14 noms, sans spécifier le nombre de personnes à soutenir dans chacun des cas. En appliquant le même taux moyen de bouches à nourrir dans la seconde partie de la liste, on parle donc d’environ 180 personnes de Val-David considérées comme « nécessiteuses » par la municipalité. Si on se rappelle que la population totale du village est d’à peine 500 âmes lors du recensement de 1931, on se rend compte que c’est près de 35 à 40 % de la population qui est plus que « pauvre », qui est nécessiteuse et doit demander de l’aide en nourriture et en bois de chauffage à l’administration municipale.