
Louise Duhamel
Résidente de Val-David
et chroniqueuse gourmande
Ma fille, qui partage sa vie avec un Espagnol, a habité pendant quelques années à Madrid. En attendant qu’ils trouvent un appartement convenable, l’une des grands-mères de son petit ami les a hébergés. Pendant son séjour, ma fille a pris quelques kilos… parce que Lucia la trouvait trop maigre. Elle l’invitait à se resservir en lui disant : « ¡Hay que comer! No quiero sobras. » Bonne cuisinière, Lucia lui a fait connaître les moindres détails de la cuisine traditionnelle espagnole. Voilà donc qu’aujourd’hui, j’ai un petit-fils qui se régale de croquetas, de sopa de ajo, de zarzuela, d’estofado, de galletas de almendra, de budín de pan…
La paella étant réservée aux occasions spéciales, Lucia a plutôt appris à ma fille les rudiments de la cuisine de tous les jours : la préparation des tortillas de patata, du cocido madrileño et des macarrones con tomate y chorizo, le plat préféré des enfants. Elle lui a aussi appris l’importance de bien servir et conserver le jamón, car en Espagne, on l’achète séché et entier : il faut d’abord installer le jambon sur un support, le trancher finement puis bien couvrir la partie entamée, de préférence avec un carré de coton joliment décoré de dentelle… « para que el jamón no se seque ». Lucia lui a expliqué comment confectionner un récipient en papier d’aluminium pour recueillir les gouttelettes de gras s’échappant des chorizos suspendus dans la cuisine. Chez les de Rojas-Gimenez, on ne badine pas avec la qualité des charcuteries!
Marisa, l’abuela de mon petit-fils, a hérité du talent de sa mère Lucia. Elle maîtrise aussi bien la préparation de la paella que celle de la fabuleuse fabada (cassoulet espagnol) ou du flan catalan, mais elle a surtout l’appétit gourmand. Nous en avons d’ailleurs bien profité lors d’un séjour en Galice, province située à l’extrémité nord-ouest de l’Espagne, entourée par l’océan Atlantique et la mer Cantabrique. Marisa nous a cuisiné plusieurs poissons et fruits de mer, parmi les plus beaux que la province ait à offrir. Les produits galiciens sont en effet variés et d’une grande qualité : coques, palourdes, huîtres, crevettes, langoustines, araignées de mer, couteaux, pouce-pied (percebes), poulpes, et servis dans leur état le plus naturel… miam! J’ai souvenir encore de ces repas composés aussi de fruits frais, de fromages ou de turrón qui faisaient office de dessert, sauf lorsqu’on se laissait tenter par une pâtisserie locale comme la tarta de Santiago, délicieux gâteau à base d’amandes, spécialité du village de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Lors d’un autre séjour, cette fois-là à Legasa, petit village de la commune de Bertizarana, dans le Pays basque espagnol, j’ai appris à apprécier les fromages artisanaux locaux, qui ont un sacré mordant, dont l’ossau-iraty, le roncal, l’idiazabal ou l’urdina parmi les plus connus. Marisa avait l’habitude d’utiliser l’ossau-iraty sec sur des gratins ou des salades de gésiers et de foies de canard. Dans ce coin de pays, on se régale aussi de charcuteries fabuleuses : txistorra, lomo adobado, morcón, salpicão ou botillo qu’on accompagne d’une taloa, galette à base de maïs, typique dans les fêtes foraines basques. Durant ce séjour, Marisa nous avait surtout cuisiné des poissons, San Sebastian et son formidable marché de poisson nous appelaient! Du merlu, de la lotte, de la daurade, du thon blanc de Fontarrabie pêchés à la ligne… Bien arrosés de Sagardo (vin de pomme), d’Izarra, de vin de Rioja ou de Navarre, tous les repas constitués de produits locaux de vieilles traditions nous ont vraiment dépaysés.
Les Espagnols ont aussi un goût pour le sucré. Mais, étrangeté pour nous, c’est au petit-déjeuner qu’on nous servait le plus souvent des aliments sucrés : tostadas à l’huile d’olive saupoudrées de sucre, sobaos pasiegos (petits gâteaux au beurre) ou magdalenas. Voici une des recettes sucrées de Marisa, très simple et que j’aime beaucoup, celle de la leche frita. On la sert au dessert ou comme collation. Elle se mange nature, enrobée de sucre au goût de cannelle, mais elle s’accompagne aussi très bien d’une compotée d’abricots, de brugnons ou de pêches… Bon appétit!
Leche frita
500 ml de lait
30 g de beurre
1 gros zeste de citron
½ bâton de cannelle
100 g de sucre
125 g de farine
2 jaunes d’œuf
4 œufs entiers
Pour la panure :
farine ou chapelure très fine (en quantité suffisante)
2 blancs d’œufs
20 g de sucre
½ cuillère à thé de cannelle moulue
1 l d’huile de friture
- Mettre le lait à bouillir avec 25 g de sucre, le demi-bâton de cannelle, le zeste de citron et le beurre. Une fois à ébullition, laisser infuser 30 minutes.
- Fouetter les œufs et les jaunes d’œuf avec le reste de sucre jusqu’à ce que le mélange blanchisse et devienne crémeux.
- Passer le lait au tamis, le verser sur les œufs puis incorporer ce mélange à la farine. Remettre le mélange dans la casserole et cuire à feu moyen jusqu’à ce qu’il soit très épais (environ 5 minutes).
- Couvrir le fond d’un plat à gratin de film plastique, y verser la préparation puis couvrir d’un film plastique pour éviter qu’une peau se forme. Mettre au frais quelques heures.
- Démouler la préparation, qui doit bien se tenir, puis couper en carrés de 4 x 4 cm. Enrober chaque carré de farine et tremper dans les blancs d’œufs battus, puis remettre encore dans la farine ou la chapelure.
- Chauffer l’huile de friture dans une poêle à 325 °F, puis y déposer les carrés enfarinés ou panés. Faire cuire sur toutes les faces jusqu’à ce qu’elles soient bien dorées et les déposer ensuite sur du papier absorbant.
- Mélanger le sucre avec la cannelle moulue et enrober chaque carré de leche frita.