
Gilles Chaumel
Animateur radio à CKRL 89,1 Québec, historien et mélomane
Il était une fois un jeune prince de peu d’envergure, d’une principauté des plus modestes, qui est décédé de chagrin avant d’avoir 34 ans. Jamais un si quelconque souverain n’aura eu droit à une musique funèbre aussi grandiose que celle qui fut la sienne les 23 et 24 mars 1729. C’est que l’auteur, un dénommé Jean-Sébastien Bach, avait une affection toute particulière pour le prince Léopold d’Anhalt-Köthen. Ce dernier l’avait engagé en 1716, lui avait fourni un orchestre de premier ordre et l’avait incité à créer toutes sortes de musiques pour enrichir sa cour. S’il était piètre politique, Léopold était féru de musique, honnête pratiquant, et sous sa gouverne, Bach écrivit une grande partie de la musique instrumentale que nous connaissons, sonates et suites pour le violon et le violoncelle, concertos, ses célèbres œuvres didactiques comme le clavier bien tempéré. Le prince et son musicien ont développé un respect mutuel, presque une amitié si la chose avait été possible entre un souverain et son employé.
Avec sa Trauermusik BWV 244, Bach, très ébranlé par la mort de son bienfaiteur, a voulu lui rendre un hommage à la hauteur de l’estime qu’il avait pour lui. Il s’agit d’une œuvre monumentale, émouvante à maints égards, où Bach s’est, entre autres, inspiré de quelques-uns des plus beaux airs de sa Passion selon saint Matthieu.
L’ensemble baroque Pygmalion (chœur et orchestre), du chef français Raphaël Pichon, rend toute sa grandeur à cette musique riche; les quatre solistes, dont l’excellente soprano Sabine Devieilhe, sont de premier ordre. Un grand moment de musique.
Raphaël Pichon, Ensemble Pygmalion, Johann Sebastian Bach : Köthener Trauermusik Bwv 244a. Disque Harmonia Mundi, 2014.