
Du 2 au 4 mai dernier, l’Association des médias écrits communautaires du Québec (AMECQ) a tenu son congrès annuel. Le thème de cette année était: gouvernance et survivance. Notre collègue du conseil d’administration Marie-Josée Larouche y a assisté.

Le journal Ski-se-Dit a reçu une nomination dans la catégorie Opinion pour l’éditorial de Michel-Pierre Sarrazin, éditeur, paru dans notre journal de septembre 2024, et il a remporté la première place!
Revoici le texte en question:
Éditorial :
Retour vers le futur touristique
Depuis quatre décennies, le tourisme a été la principale et la seule véritable industrie à Val-David. Nous ne sommes pas, au creux de nos montagnes, un milieu rural, même si une certaine agriculture a pu fleurir il y a longtemps au lac Paquin. Le reste de notre territoire est un terrain de jeu pour tout ce qui vit, et curieusement aujourd’hui plus que jamais, capable d’accueillir tout à fait naturellement le tourisme contemporain, féru de plein air et de qualité de vie.
Pendant la seconde moitié du vingtième siècle, les conseils municipaux de notre village avaient à cœur de protéger, de développer, de distinguer l’offre touristique de Val-David, même si les grandes initiatives qui attirent le tourisme ont toujours été d’essence privée: les belles auberges, aujourd’hui disparues[1], les pentes de ski et les sentiers de ski de fond et de raquette, heureusement en partie toujours là, les lieux de spectacle comme la Butte à Mathieu, les expositions d’artistes et d’artisans, les carnavals et autres activités qui ont réuni sur nos places publiques résidents et visiteurs: le village bruissait saison après saison de projets originaux et inspirés par le désir d’offrir ici ce qu’on ne trouvait pas ailleurs.
Les temps ont changé. Les priorités de nos visiteurs également, mais on le voit avec 1001 Pots chaque été et avec le marché agroalimentaire de Val-David, une bonne offre bien faite attire toujours de bons et de nombreux visiteurs.
Mais on observe aussi au village, depuis quelques années, un phénomène de repli, un retour à des valeurs ethnocentristes, voire de considérer les visiteurs occasionnels comme dérangeants. C’est peut-être la volonté de certains de vivre ici comme il y a cinquante ou cent ans, et rien ne les en empêche. Mais collectivement, nous avons une responsabilité de maintenir au plus haut niveau nos traditionnelles qualités d’accueil, de courtoisie, d’offre généreuse d’activités culturelles et naturelles. Pour une simple raison: nous n’avons pas d’autre choix.
Un village de montagne qui n’a pas d’autre industrie que le tourisme et qui n’entretient pas un flux constant de visiteurs, lesquels viennent y échanger de la monnaie contre des biens et des services, est destiné à disparaître. Ou, pire encore, il condamne les résidents permanents à assumer à eux seuls les coûts sociaux et les services publics, s’ils veulent avoir une épicerie, une pharmacie, des commerces de proximité dignes de ce nom, sans parler de routes carrossables et autres bienfaits de notre modernité.
Le tourisme n’est pas un luxe, une fantaisie, ni un surplus d’agitation sur la rue principale du village. Il est une industrie qui a ses règles, ses effets sur notre niveau de vie, sur notre capacité à développer un milieu où chacun a plaisir à traverser sa vie comme s’il était au centre béni de son monde.
Ces dernières années, nous avons perdu notre bureau de poste, notre caisse populaire et beaucoup de petits commerces importants ont fermé leurs portes, faute de revenus suffisants, ou à cause du manque de vision de décideurs qui habitent loin de chez nous. Il serait temps que notre municipalité adopte une politique claire et progressiste envers le tourisme contemporain, lequel ne demande pas mieux que de participer à notre développement. Mais comme dans tous les domaines de la vie publique, l’expansion et le contrôle d’une industrie demandent de l’énergie créatrice, des connaissances à jour, des investissements conséquents et finalement de la bonne volonté de la part de tous les acteurs du milieu.
Ce n’est pas uniquement en faisant appel à des organismes régionaux, à des chambres de commerce voisines, à des planificateurs professionnels venant d’ailleurs qu’on fera de Val-David un village recherché par le tourisme actuel. C’est en réunissant les résidents permanents autour d’un projet global qu’on trouvera la manière originale et convenable de gérer notre industrie touristique.
Nous disposons aujourd’hui de moyens statistiques et d’enquêtes en tout genre pour nous aider à bien cibler notre développement. Voici, en résumé, ce que de nombreuses études révèlent sur les villégiatures en montagne. Elles ont évolué, influencées par des tendances globales en matière de tourisme, de bien-être et de respect de l’environnement. Mais, quelles que soient nos habitudes et nos aspirations, nous devons être à l’affût de nos propres valeurs, de notre propre façon de faire, de notre propre plan d’harmonisation de l’accueil touristique.
Le nouveau tourisme
Les grandes aspirations contemporaines en matière de tourisme sont connues. Les visiteurs choisissent des lieux permettant avant toute chose une expérience immersive en pleine nature (randonnées, trekking, observation de la faune); l’écovillégiature (logements et hébergement écoresponsable, refuges, hôtels certifiés verts et activités respectueuses de l’environnement); bien-être et détente (installations spa et thermales, bains nordiques, lieux paisibles, retraites axées sur la méditation, le yoga); aventures hivernales (ski et sports d’hiver, sports extrêmes comme l’escalade de glace, et le parapente); l’authenticité et la culture locale (ateliers d’art et d’artisanat, cuisine traditionnelle, village mettant en valeur son côté pittoresque); rencontre avec les résidents pour partager leur mode de vie (marchés publics, événements culturels); séjours personnalisés (expériences adaptées à leurs champs d’intérêt spécifiques, qu’il s’agisse d’un guide privé pour des randonnées ou d’un chef personnel pour préparer des repas locaux dans leur chalet); flexibilité et tranquillité (beaucoup de voyageurs recherchent des destinations de montagne éloignées des foules, où ils peuvent se ressourcer en toute tranquillité, loin de l’agitation urbaine, offrant une certaine flexibilité en matière de dates et d’annulation, qui est devenue plus importante, en raison des incertitudes des voyages aujourd’hui). Et tout ce qui constitue, surtout, l’originalité de notre milieu.
Val-David est un beau village, qui attire encore beaucoup de monde, bien qu’il y ait un effort à faire pour encadrer la demande et augmenter la richesse collective. Nous ne voulons certes pas devenir un chantier permanent d’activités touristiques, mais nous devons gérer avec sagesse notre développement dans ce domaine. Ne pas le faire équivaut à laisser notre avenir dans les mains de spéculateurs qui ne vivent pas ici et ne regardent que leurs revenus. Ne pas le faire est risquer l’exode des commerces et des services et la dégradation d’une certaine qualité de vie.
Michel-Pierre Sarrazin
Éditeur du journal Ski-se-Dit
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[1] L’auberge du Vieux Foyer, l’auberge Le Rouet, l’auberge Le Rucher, l’auberge de la Belle Chaumière, l’auberge La Paysanne, Le Camp Beaumont, le Mont Condor, le Parker’s Lodge, pour n’en citer que quelques-unes des plus fréquentées, ou encore le réputé hôtel La Sapinière.