Maison Actualité Environnement – Doit-on rouler électrique?

Environnement – Doit-on rouler électrique?

Yves Nantel

Chroniqueur sur l’environnement et résident de Val-David

  

Depuis quelque temps, j’entends des commentaires visant à remettre en cause l’électrification des transports. «Ça l’air que c’est pas si bon que ça, les autos électriques. Les GES lors de la fabrication sont plus importants pour les VE.»

Au premier trimestre 2025, les VE ne représentaient que 8,11% de toutes les ventes de véhicules neufs au Canada, une baisse par rapport à 16,5% au quatrième trimestre de 2024, selon Statistique Canada.

Cela aurait-il un lien avec l’abandon de la «taxe carbone» de la part du fédéral et avec les pressions pour se débarrasser du Système de plafonnement des émissions et de droits d’émissions (SPEDE), du programme provincial? Et que dire des hésitations concernant les subventions à l’achat d’un véhicule électrique?

L’électrification des transports doit-elle demeurer la priorité des gouvernements? Est-elle efficace pour réduire les GES et économique pour les consommateurs?

Transport et GES : état de la situation

En 2022, au Québec, le secteur le plus grand émetteur de GES était le transport avec 43,3% de toutes les émissions, dont 34,3% sont dues au transport routier. Le deuxième secteur était celui de l’industrie avec 31%, suivi par l’agriculture (10%) puis du bâtiment (9,6%) et des matières résiduelles (5,6%). Pour l’ensemble du Canada, les émissions de GES des transports constituent 25% du total.

Les gouvernements du Canada et du Québec se sont engagé à ce qu’en 2035, il soit interdit de mettre sur le marché des véhicules à essence. Ainsi en 2045, il ne devrait presque plus en rester en circulation.

Pour faciliter l’atteinte de l’objectif, ils ont mis en place un programme de subventions à l’achat qui, pour le Québec, viendra à échéance à la fin 2026, et qui, pour le gouvernement fédéral, est en voie de redéfinition.

Dans une perspective de réduction des GES, il est indéniable que le transport doit demeurer la priorité. 

Le prix d’achat en vaut-il le coup?

Le prix d’achat d’une voiture électrique est actuellement plus élevé que celui d’une voiture à essence: c’est la faute aux batteries. Mais l’économie du prix de l’énergie à l’utilisation compense cette différence. Et les subventions à l’achat et à l’installation de la borne de recharge augmentent cet avantage.

Le coût de l’amortissement est conditionné par la sorte du véhicule et la distance parcourue chaque année. Il faut aussi considérer que la durée de vie du VE est estimée à 300 000 km, celle du véhicule à essence étant à 200 000 km, et les coûts moins élevés de l’entretien d’un VE.

Ce qui fait dire aux experts que l’achat d’un VE est nettement avantageux. Que la récupération de l’investissement au départ s’effectue sur une durée de 3 à 5 ans. C’est évident que celui qui fait 15 000 ou 20 000 km/année récupérera plus rapidement que celui qui n’en fait que 4000.

Et tous s’entendent pour prévoir des prix à l’achat plus abordables au fil des années.

 

L’électrification permet-elle la réduction des GES?

Les études les plus complètes incluent les émissions de GES produites lors de tout le cycle de vie du véhicule (extraction des métaux, fabrication, utilisation et recyclage). Le CIRAIG, de Polytechnique Montréal, conclut «qu’après avoir parcouru 300 000 km, les véhicules électriques ont de 55 à 80% moins d’impact que les véhicules conventionnels». 

De plus, au moment de rendre l’âme, ils auront apporté «des bénéfices non négligeables sur la santé, sur les écosystèmes et sur l’épuisement des ressources», selon Équiterre.

 Il semble n’exister qu’une situation où le bénéfice est largement réduit, c’est celle où l’énergie électrique est produite par des centrales au charbon. Le Québec est privilégié puisque sa production d’électricité provient à 99% des barrages hydrauliques donc d’une énergie renouvelable. Zéro émission.

Et déjà, au Québec, les véhicules en fin de vie sont récupérés dans une proportion de 75%. De plus, Protégez-Vous rapporte qu’une entreprise québécoise prévoit récupérer 95% des composants des batteries. 

L’électrification des transports contribuera donc grandement à la réduction des GES dans latmosphère.

 

Maintenir la priorité à l’électrification

L’électrification des transports est donc efficace pour la réduction des GES de même que pour le budget des consommateurs. Malgré les hésitations récentes, les gouvernements maintiennent les mesures visant à décarboner les transports d’ici 2035.

Il faut déplorer ici la position irresponsable du parti conservateur du Canada, qui nie la responsabilité humaine dans les changements climatiques. Il faut avoir du culot pour avoir récemment présenté au Parlement une résolution visant à abandonner l’objectif d’éliminer les véhicules à essence d’ici 2035 – heureusement battue – alors que des groupes d’experts sur le climat nous annoncent que nous aurons bientôt dépassé la hausse de température du climat jugée critique, soit +1,5℃. Certains prévoient jusqu’à +4℃ si des mesures plus strictes et immédiates ne sont pas prises. 

Les glaciers fondent beaucoup plus rapidement que prévu, les feux de forêt sont de plus en plus dévastateurs, les ouragans plus fréquents et intenses, les inondations et l’érosion conséquente davantage impactantes et les chaleurs plus torrides.

L’électrification ne règlera pas le trop-plein de GES du secteur des transports à lui seul mais elle constitue un pas important dans cette direction.