Maison Actualité Amherst commémore dignement la mémoire des mineurs morts de la silicose

Amherst commémore dignement la mémoire des mineurs morts de la silicose

Le maire Jean-Paul Galipeau (à gauche) et les artistes sculpteurs du monument à la mémoire des victimes de la silicose, Adrien Bobin et Philippe Pallafray (à droite).

Texte et photos de Jules Nadeau

Le maire Jean-Guy Galipeau a procédé à Amherst à une journée de commémoration en l’honneur des mineurs victimes de la silicose. Une cérémonie pleine de soleil sur la toute nouvelle place Burton LeDoux. Un imposant monument de granit érigé à la mémoire des malheureux sacrifiés de la mine s’élève vers le ciel face à l’église patrimoniale. Tout près, le Centre d’interprétation rappelle le scandale de la silicose en plus d’expliquer l’histoire du territoire, partant de la présence des Premières Nations jusqu’à la colonisation. «Quasiment sept ans de travail!» de me lancer avec un soupir de «mission accomplie» le premier magistrat à notre arrivée dans les Laurentides.

Entouré d’invités de marque de la cérémonie, le maire Jean-Paul Galipeau coupe le ruban rouge du Centre d’interprétation.

Le monument de plus de 4 mètres de haut est l’œuvre d’Adrien Bobin (granit) et Philippe Pallafray (métal), qui ont «trimé dur» dans la canicule de juillet, selon le maire Galipeau. Les deux artistes sculpteurs d’origine française ont leurs quartiers sur l’île d’Orléans et leurs œuvres sont exposées dans plusieurs pays. Au début de la cérémonie, l’autrice et musicienne Ginette Levesque, une des inspiratrices du Gardien du souvenir, y a posé une gerbe de fleurs.

Ginette Levesque, une des inspiratrices du projet de commémoration, a déposé une gerbe de fleurs au pied de l’imposant monument de granit.

Le Centre d’interprétation a été conçu par le studio montréalais de design La Camaraderie. La designer Albane Guy nous en a brièvement souligné les quatre composantes: le savoir ancestral du territoire incluant la présence des Premières Nations, la colonisation des terres, l’exploitation de la forêt et l’épisode tragique de la silicose. Dès le début de l’élaboration du projet, l’historien Denis Chabot a joué un rôle déterminant dans la recherche et la scénarisation.

Une collecte de fonds menée rondement

Tout le projet a été réalisé grâce à de généreux donateurs sollicités par le maire infatigable (qui cumule 16 ans d’expérience à ce poste): un budget de 178 000 $ pour la sculpture. Un Américain du Massachusetts, Edwin Kania, qui a généreusement contribué au nom de sa famille, a personnellement félicité Bruno Carrière pour la réalisation de son documentaire 1948 – L’AFFAIRE SILICOSE – l’histoire d’une injustice.

Marque de respect «obligatoire» pour les nations autochtones, David Decontie (Algonquin rescapé des pensionnats), Aurel Dubé (multiple médaillé) et Lionel J. Whiteduck (bon conférencier) ont été invités au jour du souvenir. Ils ont accompli des rituels ancestraux et ajouté leur vision de l’histoire. M. Whiteduck nous a rappelé que les terres en question, qui ont changé de nom selon le bon vouloir des missionnaires, n’ont «jamais été cédées aux Blancs».

Parlant des religieux, les absents du samedi de fête ont été les représentants des jésuites, qui ont beaucoup fait jadis pour dénoncer le scandale de la poudre blanche. Ce fut l’occasion de rendre hommage aux pères de la compagnie Jean-d’Auteuil Richard et Jacques Cousineau, dirigeants de la revue Relations en 1948. Par leurs lettres et leurs articles, nous nous souviendrons de leur courage exprimé à l’époque du cheuf Maurice Duplessis. Pour sa part, notre maître de cérémonie, Réjean Gaudreau, a bien fait de mentionner la disparition récente du sociologue Guy Rocher, qui a fourni un témoignage percutant dans la demi-heure du documentaire de Bruno Carrière. À visionner!

Trois Américains et trois doyens

Madeleine Richard avec les doyens de la journée, les nonagénaires Jean-Paul et Pierrette Thomas, tous trois natifs d’Amherst.

Quelques centaines d’observateurs du passé occupaient la place Burton LeDoux, inondée du soleil laurentien. Parmi eux, le dernier employé de la mine, Jean-Paul Thomas, qui a «coupé le breaker», le disjoncteur de fin d’exploitation du complexe alors qu’il n’avait que 18 ans. Notre vétéran de 95 ans (encore plein de vie et doté d’une mémoire d’éléphant) bavardait avec madame Pierrette Thomas, sa sœur aînée de 99 ans. Deux natifs de la municipalité autrefois appelée Saint-Rémi-d’Amherst. Également présent, un autre doyen (avec sa sœur): Georges Labonté, un généreux donateur.

Madeleine Richard déplore la mort de cinq membres de sa famille dans le «village des veuves». «J’ai essuyé des larmes en apercevant le monument pour la première fois», m’a-t-elle confié. D’autres larmes ont coulé sur les joues d’une Américaine venue spécialement de Virginie pour ce 20 septembre. Betty (Murray) Rinehardt, une cousine de Burton LeDoux, et Madeleine Richard se sont fait un abraço humide à leur premier contact.

Venue avec son fils, l’artiste et bibliophile Benjamin Rinehardt, madame Betty est la tenace archiviste attitrée des documents légués par LeDoux. Une somme richissime d’information devant servir à la biographie du pigiste franco-américain que nous espérons lire un jour. Notre héros est né à New Bedford, Massachusetts, de parents immigrants de Saint-Hyacinthe, Hector Ledoux et Mélanie Boulay, couple faisant partie des 800 000 Canadiens français immigrés en Nouvelle-Angleterre entre 1840 et 1930.

Espérons que les touristes de passage, les écoliers, les férus d’histoire et les anciens comme les nouveaux Québécois iront y faire devoir de mémoire, ainsi que les Ledoux de partout. Pour ce qui est des journalistes, il n’est trop tard pour bien faire et bien écrire ou bien filmer.

Le Devoir du 2 décembre 1948 titrait à la une : «Les silicosés restent, la compagnie s’enfuit». De même, la Noranda Mines s’envole, les écrits restent à Saint-Rémi.