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Album souvenir – Jean-Louis Dufresne 

La Presse, 16 décembre 1995, BAnQ

Jean-Louis Dufresne : Sommité dans l’histoire de l’hôtellerie et grand personnage de Val-David

Paul Carle et Denis Vézina, historiens

Jean-Louis Dufresne, né en 1913, est un pur produit val-davidois et un des «grands» de notre histoire. Au cours de sa vie, il parvient à atteindre les sommets de la renommée laurentienne, québécoise, canadienne, américaine et même mondiale. Dans le domaine de l’hôtellerie et de la gastronomie, l’histoire de Val-David n’offre aucun autre exemple d’une telle réussite.

Jean-Louis Dufresne, 1970, Biographies canadiennes-françaises, p. 246

En 1936, Léonidas Dufresne, père de Jean-Louis et alors maire du village, entreprend la construction d’une auberge de 20 chambres. Alors que la crise économique continue de sévir, le chantier est bien accueilli par les chômeurs de Val-David qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts. Construite en bois rond, l’auberge prend le nom de Chalet La Sapinière. Deux ans plus tard, en 1938, Jean-Louis accepte de diriger l’établissement.

Sa formation classique au séminaire de Mont-Laurier ne l’a pas préparé pour cette tâche. Afin d’acquérir des notions dans le domaine de l’hôtellerie, Jean-Louis s’inscrit à des cours par correspondance d’un institut de Chicago, puis à un cours rudimentaire dispensé par le Service d’hôtellerie du Québec organisé au Manoir du Lac, à Saint-Donat. À sa première année à la direction de La Sapinière, il rejoint la Laurentian Resorts Association, qui regroupe des gens d’expérience, dont Émile Maupas, un Français qui a fondé le camp Maupas à Val-Morin, et le Suisse Émile Cochand, établi à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson. Leurs conseils lui sont précieux, mais c’est lors de son premier voyage en Europe qu’il acquiert les connaissances les plus significatives sur sa nouvelle profession en rencontrant de grands hôteliers et en se familiarisant avec la culture hôtelière européenne.

De 1936 à 1940, La Sapinière ferme ses portes à la fête du Travail pour rouvrir durant le temps des fêtes de Noël et du jour de l’an. L’hiver n’est plus une saison morte puisqu’il attire de plus en plus de skieurs. À l’été 1940, La Sapinière s’agrandit de 20 à 40 chambres et la salle à manger passe de 30 à 75 places.

La première salle à manger de La Sapinière, carte postale, BAnQ

En 1942, Jean-Louis Dufresne n’est plus seul à la barre de La Sapinière, puisqu’en décembre de cette année, il épouse dans la plus stricte intimité Émérence Ducharme, qui devient sa partenaire d’affaires. Née à Belœil le 29 juillet 1908, dernière d’une famille de douze enfants, elle n’apprécie pas son prénom et se fait connaître sous le surnom de Bobie.

Bobie concentre ses efforts entre autres sur la décoration de l’hôtel, le choix et la fabrication des tissus et des meubles et les cours d’hôtellerie. Elle a à sa charge les femmes de chambre et les femmes travaillant à la buanderie. Durant toutes ces années, Bobie et Jean-Louis se partagent les tâches et considèrent leur établissement hôtelier comme un prolongement de leur résidence privée et leurs clients comme des amis.

Rapidement, La Sapinière devient un établissement phare des hôtelleries laurentienne et québécoise. Dès 1945, avec l’aide du gouvernement du Québec et d’autres propriétaires, Jean-Louis met sur pied les premiers cours itinérants en hôtellerie et en cuisine au Québec et les dispense entre autres à son hôtel. Durant plus de 20 ans, ces cours sont suivis par les propriétaires, employés et chefs de la plupart des auberges et hôtels du Québec, avant que l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec ne soit créé en 1969. Cette vocation pédagogique de La Sapinière se poursuivra par l’entremise de plusieurs anciens et employés actifs de La Sapinière devenus enseignants à la polyvalente des Monts de Sainte-Agathe dès 1972, puis à l’École hôtelière des Laurentides à Sainte-Adèle après 1983.

Jean-Louis Dufresne devient officiellement propriétaire de La Sapinière en 1952. Il en conserve la direction jusqu’à son décès, en 2003. Son travail de 65 ans à la direction de l’établissement constitue un record québécois et canadien, toujours inégalé, et est probablement la principale raison du succès local, national et international de La Sapinière.

Durant plus de 65 ans, Jean-Louis Dufresne a été le plus gros employeur de Val-David, La Sapinière accueillant plus d’une centaine d’employés par année. Sa renommée et sa vocation pédagogique ont permis à plusieurs personnes d’y apprendre un métier, d’acquérir de l’expérience et de développer des compétences.

Jean-Louis, Bobie et La Sapinière se sont également impliqués dans de nombreuses initiatives sociales, culturelles et sportives de Val-David, dont les projets de centre culturel de Chistopher Stephanoff, les contributions à la Fédération québécoise de la montagne, au Parc régional, et à l’utilisation de leurs pistes, à la création de la Fondation Dufresne et à l’école de Val-David.

La Presse, 6 décembre 1986

Les mérites et les honneurs que Jean-Louis a accumulés sont innombrables, mais on peut mentionner, à titre d’exemples : un doctorat honoris causa de l’ITHQ, le Grand Prix d’excellence de Tourisme Canada et Tourisme Québec, le titre d’Homme du mois de l’Association des diplômés HEC et de la revue Commerce, le Grand Prix Association touristique des Laurentides, le Premier Prix provincial du Mérite de la restauration; il fut également nommé Hôtelier de l’année et plus tard Grand Chevalier par l’Association des hôteliers du Québec, Grand Maître des commandeurs.

À sa mémoire, l’École hôtelière des Laurentides a créé le prix Jean-Louis Dufresne, accordé annuellement au meilleur élève de l’École hôtelière.

1947 (novembre); photo : Jacques Desjardins, photo de groupe des étudiants à La Sapinière, ministère du Commerce et de l’Industrie. BAnQ, cote : E6,S7,SS1,D43435-43446
La Presse, 1er décembre 1987