Maison Actualité Le statut juridique, les droits et les devoirs du beau-parent

Le statut juridique, les droits et les devoirs du beau-parent

Famille :

La famille s’agrandit : bienvenue aux nouveaux amoureux des parents

Sarah Mannarino

Résidente de Val-David, juriste

Encore très présente dans notre imaginaire collectif – particulièrement au lendemain de l’Halloween –, la figure de la méchante marâtre, qui a la douceur d’une vipère envers les enfants de son conjoint, s’efface petit à petit, pour faire place à une nouvelle réalité sociale et offrir un nouveau visage moins maléfique à celle que l’on nomme désormais: belle-mère.

Nous nous retrouvons donc ici pour évoquer un sujet bien particulier du droit des familles – parce que justement, des droits, le beau-parent n’en a pas tant que ça!

La réforme du droit de la famille amorcée par la loi 2 (2022) marque tout de même une ouverture vers une reconnaissance plus inclusive des réalités familiales contemporaines, mais demeure prudente dans la reconnaissance de ce statut.

Et pourtant, c’est un statut qui prend de plus en plus d’ampleur au Québec. En effet, de nos jours, c’est près d’un enfant sur cinq qui vit dans une famille où au moins un adulte n’est pas son parent biologique[1]. Il est donc plus que légitime de s’interroger sur la place de cet autre adulte: quels sont ses droits et ses devoirs envers l’enfant qu’il élève sans en être le parent biologique ou adoptif?

Si, dans la pratique, certaines administrations reconnaissent partiellement le rôle du beau-parent lorsqu’il contribue à l’entretien de l’enfant (Prestation canadienne pour enfants, Régie de l’assurance maladie), cette reconnaissance demeure limitée et ne lui confère pas de véritables droits.

En effet, en droit québécois, le beau-parent n’a pas, en principe, de statut juridique automatique à l’égard de l’enfant de son conjoint puisque le lien d’alliance ou de vie commune ne crée pas de filiation avec l’enfant de son ou sa partenaire.

Ainsi, même si un beau-parent vit au quotidien avec l’enfant, participe à son éducation et subvient à ses besoins, il n’acquiert pas la qualité de parent au sens juridique. Il ne figure pas sur l’acte de naissance et ne détient pas d’autorité parentale.

Pour que cela soit le cas, le beau-parent peut, si la situation le permet, adopter l’enfant de son conjoint. Cette adoption met fin aux liens juridiques avec l’autre parent biologique et crée une filiation complète entre le beau-parent et l’enfant.

Sans lien d’adoption, le beau-parent reste juridiquement un étranger vis-à-vis de l’enfant. Cette absence de reconnaissance formelle peut s’avérer problématique, notamment lorsque le couple se sépare ou si le parent biologique décède, parce que dans ces situations, le lien avec l’enfant disparaît et le beau-parent qui s’était attaché se voit privé de sa relation avec l’enfant qu’il peut considérer comme le sien.

Face à ce type de situation, le beau-parent peut saisir le tribunal et demander un droit d’accès à l’enfant – il devra démontrer qu’il entretient avec l’enfant un lien affectif significatif et stable.

Qu’en est-il des devoirs du beau-parent vis-à-vis de l’enfant de son conjoint?

Là encore, le Code civil du Québec ne crée pas de devoir légal automatique à la charge du beau-parent. Néanmoins, sur le plan moral, les choses sont un peu différentes et la réalité de la vie commune entraîne certaines responsabilités concrètes.

En effet, bien que le beau-parent ne soit pas tenu par la loi de subvenir aux besoins de l’enfant de son conjoint, lorsqu’il participe volontairement à l’entretien de l’enfant, cela peut avoir des conséquences juridiques à plus long terme et un tribunal pourra imposer certaines obligations, notamment le versement d’une pension alimentaire après une séparation[2].

De plus, en tant que personne qui cohabite de façon régulière avec l’enfant, le beau-parent exerce une autorité de fait, et il doit le faire avec prudence et diligence, comme le ferait un parent. Il ne peut pas, non plus, agir de manière négligente dans la surveillance de l’enfant, au risque d’engager sa responsabilité civile s’il lui cause un dommage.

En somme, le beau-parent occupe une position à la croisée du droit et de la réalité sociale. Son rôle est souvent essentiel dans la vie de l’enfant, et au-delà du cadre légal, le beau-parent se doit d’offrir un cadre sécurisant, respecter la place du parent biologique, favoriser le bien-être de l’enfant et ne pas lui offrir de pommes empoisonnées.

_______

[1] Données de l’Institut de la statistique du Québec

[2] Droit de la famille — 132495, 2013 QCCA 1947