Maison Actualité Des autochtones ont-ils habité sur le territoire de Val-David?

Des autochtones ont-ils habité sur le territoire de Val-David?

Réf. : Conception : Pierre Dumas, ingénieur, M. Sc. A., Fond de carte : Gouvernement du Québec, Commission de protection du territoire agricole.

 

 

par Michel Allard, historien

 

Aucun des arpenteurs-géomètres qui ont procédé au relevé des cantons de Morin, Doncaster et Wexford ne mentionne la présence d’autochtones avant l’arrivée des premiers colons sur les lots du territoire actuel de Val-David. Est-ce à dire qu’aucun autochtone n’a résidé ou circulé sur le territoire de Val-David et dans ses environs?

 

La réserve de Doncaster et ses antécédents

La plupart des arpenteurs-géomètres signalent la présence d’autochtones aux environs de Sainte-Lucie dans le canton de Doncaster. Le 9 août 1853, le gouvernement du Canada-Uni cède aux Mohawks le quart de la superficie de ce dernier canton pour créer la réserve de Doncaster, appelée aussi Tiowerò:ton, qui signifie « petite brise devenue un vent tourbillonnant ».

Source : Société d’histoire et de généalogie des Pays-d’en-Haut

Les autorités gouvernementales officialisaient une situation de fait. Car, plusieurs témoignages confirment que les autochtones fréquentaient cette région depuis plusieurs années. Citons entre autres :

B.A.T. de Montigny qui, dans son ouvrage portant sur la colonisation du Nord, note que vers 1820, son aïeul Casimir-Amable Testard de Montigny avait établi sur les bords de la rivière du Nord, aux environs de Saint-Jérôme « un comptoir pour la traite des pelleteries avec les Iroquois du lac des Deux-Montagnes qui venaient y faire la chasse[1] ».

Réal Doré rapporte qu’en 1837, après la victoire des troupes et des milices du général Colborne à Saint-Eustache, plusieurs patriotes, de crainte d’être emprisonnés, s’étaient enfuis en empruntant les rivières du Nord et de la Doncaster pour se terrer dans les environs de Sainte-Lucie et de Sainte-Marguerite, sur les territoires de chasse des Sauvages[2]. Soulignons qu’à cette époque, cette dernière appellation dérivée du mot latin silva, qui veut dire « forêt », n’a pas de connotation péjorative. Elle désigne « ceux qui habitent la forêt ». Bref, nous pouvons avancer que les autochtones ont occupé la région de Sainte-Lucie bien avant l’arrivée en 1849 des premiers colons à Val-David.

 

Les autochtones sur le territoire de Val-Morin

L’arpenteur-géomètre Owen Quinn note dans son carnet de 1847 qu’il a trouvé sur la rive droite de la rivière du Nord dans un site situé sur le territoire actuel de Val-Morin deux sépultures indiennes[3]. Le recensement de 1851 témoigne de la présence d’autochtones sur le lot 14 du rang 10 du canton Morin (mont Sauvage), situé sur le territoire actuel de la municipalité de Val-Morin, mais qui, à l’époque, faisait partie de la paroisse Sainte-Adèle. Le clan, au nombre de 11, tous originaires d’Oka, comptait, outre Simon AMICONS, Nipissingue, cultivateur âgé de 47 ans; son épouse Élisabeth NIBICHIQUAI, 37 ans, dont le père était Iroquois et la mère Algonquine, Isabelle MALILOUISE 60 ans; François X AMICONS, journalier, 14 ans; Vincent AMICONS, 8 ans; Marie AMICONS, 5 ans; Simon BEDEAU, 70 ans; Isabelle AMICONS, 28 ans; Catherine ROBERSON, 1 an; Lindor SAUVAGE, 37 ans; Charles AMICONS, 16 ans. Le lot du clan Amicons s’étendait sur 136 arpents, dont 8 arpents de terre en culture, 6 ayant produit une récolte et 8 en pâturage. On y retrouvait 2 vaches laitières, 1 cheval, 2 moutons et 1 cochon. La ferme produisait du beurre, du lard et des pommes de terre[4]. L’état de leur lot se compare avantageusement avec celui de leurs voisins de cette époque. En 1861, le clan Amicons n’apparaît pas dans le recensement. Ses membres ont-ils choisi, comme le suggère Michelle Dubuc, « d’aller demeurer dans leurs nouvelles réserves[5] », ou encore ont-ils été forcés d’abandonner leur lopin de terre?

 

Conclusion

Aucun des documents que nous avons consultés ne mentionne la présence d’autochtones sur le territoire de Val-David. Toutefois, la proximité d’une réserve et d’une famille établie sur le territoire de Val-Morin nous laisse présumer que des autochtones ont à tout le moins chassé, pêché et circulé sur ledit territoire.

Owen Quinn, 1847
1847 : Quinn, Canton Morin, p. 13

 

 

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[1] Montigny, B. A.Testard de (1887), Colonisation. Le nord, Montréal, l’Étendard, p. 7.

[2] Réal Doré, http://canardoublie.blogspot.com.

[3] Le Carnet d’Owen Quinn intitulé M16 Morin 1848 se retrouve sous la cote E21,S60,SS3,PM16 dans le Fonds ministère des Terres et Forêts conservé au dépôt d’archives de Québec de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, p. 13.

[4] Ces informations proviennent du recensement de 1851, du site internet Weskarinis.ca ainsi que de la liste des habitants de Sainte-Adèle en 1851 compilée par le notaire Jean-Baptiste Lefebvre de Villemure pour établir la répartition des coûts de l’ouverture des chemins dans la paroisse de Sainte-Adèle citée dans http://mgvallieres.com/adele/recens/GVoyer1851.htm.

[5] Dubuc, Michelle et Jean-Louis Perrault (2015), Sainte-Adèle à travers le temps 1842-2005, Les éditions Sainte-Adèle, p. 62.