Maison Actualité Entrevue avec Louise Bellerose : Que ma joie demeure

Entrevue avec Louise Bellerose : Que ma joie demeure

Michel-Pierre Sarrazin

 

« Je suis heureuse depuis que je suis née », dit-elle d’une voix claire de femme qui a l’habitude de dire les choses comme elles sont. Louise Bellerose referme, alors qu’elle fête les quatre-vingts ans qu’elle ne fait pas, son carnet de rendez-vous. Fini le métier de courtier en immobilier, après 36 ans de bons et loyaux services. Malgré sa bonne nature, une petite inquiétude apparaît dans son regard pétillant d’espièglerie : « Mais… qu’est-ce que je vais faire? » Parce que, pour celle qui a enseigné au primaire et au secondaire pendant 25 ans, avant de se consacrer au bonheur des acheteurs et des vendeurs de propriétés, le mot retraite n’a pas de sens. Avec un large sourire, elle ajoute : « Je le sais! Vous allez me trouver une job! » Et d’ajouter : « Pouvez-vous m’expliquer comme ça se fait qu’il y a tant d’offres d’emploi et personne pour les prendre? » C’est un sujet sur lequel nous pourrions nous étendre longtemps.

Nous avons pris un petit Couleur café en début d’après-midi, encadrés par deux belles filles qui travaillaient sur leurs ordis. C’est grâce à sa chère amie Isabelle Monette que nous voilà réunis. Nous avons parlé de toutes sortes de choses mélangées : la maison de feu papa qui vendait des Chrysler dans le bon vieux temps, à Sainte-Agathe, maison que Louise a vendue il y a bien trente ans, le cœur serré, en tant que courtier; nous avons évoqué, avec une certaine stupeur, le changement de la loi qui régit le courtage immobilier au Québec. Le 10 juin prochain, un virage légal qui ne fait pas de sens pour notre experte : on ne pourra plus, désormais, représenter vendeur et acheteur, mais seulement un des deux! Ce qui revient à dire qu’acheter ou vendre une maison va exiger bientôt deux courtiers et un gros paquet de paperasse pour une seule transaction. « J’aurais pu continuer encore longtemps dans ce métier que j’ai aimé de tout mon cœur, mais avec cette nouvelle loi… »  Elle a bouclé sa dernière vente en mai. Sa propre maison. Un vendredi 13! Non, elle n’a pas croisé de chat noir.

 

Quand je demande à Louise Bellerose quels sont les secrets d’un bon courtier, ce que tout débutant doit savoir, elle a ce geste des mains ouvertes, pour marquer l’évidence :

« D’abord de la persévérance, beaucoup de persévérance. Et puis, de la bonne humeur. C’est indispensable. » J’ajouterais une certaine courtoisie naturelle, celle-là même qui a fait sa réputation.

Nous évoquons ainsi, tranquillement, plus de soixante années d’histoires de Sainte-Agathe-des-Monts, une ville où j’ai commencé mon métier de journaliste (au journal Le Sommet), une ville où elle est revenue avec son mari après les années de boulot à Montréal. Nous parlons de tous ces Agathois que nous avons connus, qui sont encore là ou qui ne sont plus; de ses deux fils qui se débrouillent plutôt bien dans les affaires, et de son mari qui va devoir recomposer son atelier de bricolage informatique à la suite du déménagement.

 

La vie, quoi, qui nous fait bien rire, avec ses petits travers et ses multiples surprises, comme celle de se rencontrer enfin, après toutes ces années à travailler dans le nord sans avoir eu l’occasion de casser la croûte ensemble. Ce qui ne saurait tarder. Avec un grand sourire, encore un, elle annonce qu’elle est prête pour son prochain boulot. Après tout, avec l’expérience, le charme, l’adresse, la franchise et la bonne santé qu’elle a, une offre d’emploi, ça ne devrait pas tarder. Et qui l’emploiera aura de la chance, et bien du plaisir.