
Album souvenir :
Paul Carle, Michel Allard et Denis Vézina, historiens
Airbnb, cet acronyme vous dit sans doute quelque chose. Vous croyez peut-être que ce mode de location à court terme de résidences privées est contemporain, et vous avez partiellement raison. Toutefois, dans la décennie de 1930-1940, de nombreux citoyens des Laurentides avaient organisé leur propre système de location. Ceux de Val-David avaient mis sur pied le leur pour rejoindre les touristes, en particulier ceux d’origine juive.
Les habitants du village et des rangs, rapporte Marie-Andrée Dufresne, qui avaient la moindre petite cabane, le moindre petit bas-côté, cherchaient à louer cela aux «juifs» pour 40-50 $ pour l’été. Quand le train arrivait, les habitants se rendaient aux trains pour attendre et accueillir les «juifs». Les «juifs» descendaient à plein train; les habitants sur le quai leur offraient leur «maison». Maison à louer! Chalet à louer! Et cela se louait sur le quai de la gare. Après la fête du Travail, ça s’en allait… Il y a même eu un train genre «freight» spécial pour prendre les grosses malles et les bagages des «juifs» qui retournaient en ville .
Nous avons déjà souligné que ce revenu était indispensable pour plusieurs de nos concitoyens afin de se sortir de la misère. À cet égard, rappelons qu’en 1933, c’est environ 40 % de la population qui est inscrite sur la liste des nécessiteux.
En 1944, des citoyens fondent une association dont le but est de promouvoir le tourisme et bientôt le ski. Cet organisme, nommé d’abord Ligue des propriétaires et locataires de Val-David, est incorporé en 1945 sous le vocable de Ligue civique de Val-David.
«Pour attirer les voyageurs et rendre leur séjour agréable, on a fondé la Ligue civique, dont le président, le secrétaire ainsi que les actifs directeurs mettent tout leur dévouement, leur esprit d’initiative et leur courtoisie au service de la population pour faire de ce petit village du Nord le paradis du touriste, afin que le voyageur, en partant d’un aussi agréable séjour, apporte avec lui la nostalgie du pays et garde le goût d’y revenir .» (Jean-Louis Arbique)
Tous les citoyens influents, dont, le curé, le maire, les échevins, les hommes d’affaires… ainsi que plusieurs citoyens, apportent leur support. En 1950, la ligue compte 165 membres, qui paient chacun 1 $ par année pour en être membres.
La ligue forme en 1950 six comités sous la responsabilité de 7 présidents :
– Ski : Ernest Scroggie
– Service immobilier : Maurice Rivard et Maurice Latour, co-présidents
– Publicité : Jean-Louis Dufresne
– Relations commerciales : Roland Plante
– Jeunesse : Gustave Cordeau
– Urbanisme : Ovila Beaulieu
Un comité féminin est formé la même année sous la présidence de Madame Aimé Lalande, épouse du maire.
À compter du mois d’octobre 1947, les membres de la Ligue reçoivent gratuitement un exemplaire du Bulletin de la ligue civique , ancêtre de notre Ski-se-Dit actuel. Le Bulletin sera publié 6 à 8 fois par année. Le journal est géré par un comité formé d’un président (Roland Plante), d’un assistant (Ernest Scroggie), et d’un rédacteur (editor, également, car le bulletin est bilingue), soit Reynald Boult. Ce dernier quittera la rédaction en 1950 et sera remplacé par Fernand Rochon, qui écrivait des articles, et Jean-Louis Dufresne, qui, en plus de rédiger des articles, les illustrait.
Dans cet ancêtre du journal Ski-se-Dit, on retrouve une chronique municipale, des nouvelles locales, des nouvelles religieuses et paroissiales (baptêmes, confirmations, mariages, décès), de multiples commandites, les noms des élèves méritants de nos écoles, des évènements locaux et régionaux (feux, accidents de travail, de voiture, maladies…).
Le Bulletin est imprimé sur une « autocopieuse » (probablement une Gestetner) placée dans les locaux de La Sapinière (sous la supervision et avec l’accord de Jean-Louis Dufresne, bien entendu). Sa parution est financée par la vente de publicités (payantes pour les marchands, gratuites pour les citoyens); Arthur Frenette s’occupe des annonces payées, Honoré St-Louis, des petites annonces gratuites; Sylva Noël est responsable des nouvelles locales; André Deschamps s’occupe de la distribution. L’abonnement à la Ligue de 1 $ par année comprend les numéros de l’année du Bulletin. Les deux premiers numéros sont offerts gratuitement à toute la population du village afin de promouvoir l’abonnement.
La Ligue publie et diffuse chaque année une liste des maisons ou chalets à louer. Elle établit cette liste à l’aide du formulaire suivant, présenté dans le Bulletin :
La Ligue sera responsable d’évènements de grande envergure pour Val-David, dont de grandes campagnes d’embellissement dans le village (impliquant même les enfants et leurs professeurs dans la culture et la transplantation des fleurs). La Ligue fut aussi essentielle au développement du ski à partir de 1947, organisant des compétitions de niveau national.
La Ligue civique cesse ses activités dans les années 1960, et est remplacée en 1966 par la Chambre de commerce de Val-David. Le Bulletin deviendra Le Vallon en 1963 avant de redevenir Le Bulletin en 1965. Le journal Ski-se-Dit prend la relève en 1972 et, malgré vents et marées à certains moments, est encore publié mensuellement.
Mais la contribution de la Ligue au développement touristique aura été fondamentale et marquée par la collaboration de tout le monde de Val-David.