Maison Actualité Les dessous de l’Aiguille du mont Condor

Les dessous de l’Aiguille du mont Condor

À l’auberge - de gauche à droite - Ernest DeAlcala, Michel Boissy (barman), Jacques Godin, Gilles Parent

Gilles Parent, collaboration spéciale

 

Durant quelques jours, la célèbre Aiguille du Condor de Val-David abrita la « caverne des disparus ». L’aiguille étant par définition un sommet effilé, alors que la caverne est essentiellement une cavité. Paradoxal? Non! L’événement se produisit en 1986, avec le fameux et extraordinaire comédien Jacques Godin, qui fit péter un bâton de dynamite (effets spéciaux) pour sceller l’entrée d’une cavité située au pied de l’Aiguille, à proximité du départ de la voie d’escalade Fatman’s misery. Que du cinéma, bien entendu. Produit avec la participation financière de Radio-Canada, et de FR3 en France, La caverne des disparus était le titre d’un des quatre films, de la série « Traquenard », que j’ai scénarisés; deux furent tournés en France, un au Mont-Saint-Michel, l’autre dans le sud-uuest du pays et deux au Québec, l’un à Fort Lennox, sur le Richelieu, et l’autre en partie à l’Aiguille du Condor de Val-David. L’action se déroulait autour de 1895.

Monsieur Godin avait le rôle de l’antagoniste; un homme sans scrupule, tenancier d’un cirque à Montréal, et qui faisait le commerce d’enfants orphelins venus d’Irlande. Le jeune Cédric Jourde (connu pour son rôle vedette dans La Guerre des Tuques) jouait l’un des protagonistes avec Bruno Rouyère. Dans l’histoire, Cédric s’appelait « Le Tondu » et Bruno, « Courtepointe ». Tous deux adolescents sont alors acrobates au cirque de « L’Anchois », joué par Jacques Godin (décédé en 2020).

Au-dessus de la rue Saint-Paul (Montréal): Gilles Parent en doublure de Cédric Jourde
Cédric Jourde (Le Tondu) dans la caverne des disparus

L’aventure dramatique débute en bordure d’un quai, à Lachine (Montréal), alors qu’une cargaison d’orphelins est déchargée, au milieu de la nuit, d’un gros navire à voiles. Le Tondu en est témoin et met au parfum son collègue Courtepointe de l’histoire. La vie du Tondu est vite en danger dès qu’il détient les preuves de l’activité criminelle de L’Anchois; il doit fuir! Le train du Nord va le conduire à Val-David. Traqué sans relâche, il décide de se cacher, avec les preuves qu’il détient, dans une caverne qu’il connaît depuis son enfance et où il sera définitivement fait prisonnier par le geste irrévocable accompli cruellement par L’Anchois… Le courage et l’ingéniosité du Tondu seront sa survie; il sortira des méandres de la « caverne des disparus » par des fractures de rochers, de longs passages étroits, en suivant un courant d’air et une fuite d’eau qui vont le conduire dans les eaux froides et tumultueuses de la rivière du Nord.

Bruno Rouyère (Courtepointe) en femme, et Pierre Curzi, coureur des bois

Pendant que, dans une auberge des Laurentides, Courtepointe, analphabète, déguisé en femme et courtisé par un coureur des bois instruit (Pierre Curzi), dicte à ce dernier un message qui va mener à l’arrestation de L’Anchois.

 

Outre monsieur Godin, d’autres comédiens ont joué dans ce « Traquenard », dont Pierre Curzi, Patricia Tulasne, Régent Gauvin, Michel Maillot (décédé) et plusieurs figurants, résidents de Val-David… La Municipalité avait contribué, avec une somme d’argent, pour acheminer l’eau jusqu’au pied de l’Aiguille et en assurer le contrôle.

L’ours savourant la dynamite!

L’acteur le plus difficile à diriger fut un ours. Non pas qu’il démontra de l’agressivité, bien au contraire, mais plutôt parce qu’il abandonnait son rôle inopinément, au beau milieu d’une séquence, pour se diriger sans vergogne vers la cantine de ravitaillement des équipes… J’en ai été témoin. Mais, penserez-vous, que peut bien faire un scénariste sur le plateau de tournage d’un film? Oui, en effet, c’est que j’étais également à la régie de plateau, et aussi, chose que je ne referais pas aujourd’hui, j’ai été la doublure de Cédric (Le Tondu) dans des séquences à risques…

L’auberge Chalet Beaumont, à Val-David, était alors tenue par Bernard DePierre et Francine Hudon. Le chaleureux endroit servit de quartier général au tournage; des chambres avaient été converties en entrepôts d’accessoires et de costumes, une autre en salle de visionnement des rushes qui revenaient du laboratoire à Montréal et, bien entendu, un bon nombre de pièces pour loger l’équipe technique. L’ambiance et les soupers conviviaux à l’auberge étaient formidables, avec une vue unique sur l’ensemble du mont Condor!

Maintenant, chaque fois que je me retrouve au pied de l’Aiguille, après tant d’années, que je regarde évoluer les grimpeurs sur des voies que j’ai aussi grimpées durant quelques décennies avec mon club de montagne, avec l’École de montagne de la fédération, avec Claude Lavallée et d’autres passionnés… je revois cette cavité en dessous de l’Aiguille qui fut durant quelques jours « La caverne des disparus », un passé dont aucun souvenir n’est disparu!