Maison Actualité Album souvenir – Les feux de forêt de 1903

Album souvenir – Les feux de forêt de 1903

La seule photo connue du feu près d’ici datant probablement de 1903 ou peu après. Les suites de l’incendie dans le secteur du comté de Montcalm, sis au sud de Sainte-Marguerite. BAnQ 03Q_E6S7SS1P79820

Paul Carle et Michel Allard, historiens

Au printemps 1903, Val-David (ou Belisle’s Mill), tout comme une bonne partie du Québec, de l’Ontario, des Maritimes et même du Maine, vit la sécheresse qui, dans son sillage, provoque des feux de forêt. Au début de juin 1903, plusieurs municipalités, dont entre autres Ottawa, Hull, Sainte-Adèle, Saint-Jérôme, Saint-Faustin, Sainte-Agathe, Trois-Rivières, Sherbrooke, Acton-Jonction, Wickham, Sainte-Thérèse, Joliette, Saint-Jean, Grand-Mère, Saint-Janvier, Saint-Jovite, Farnham, Yamachiche, Hull, Arthabaska, Scottstown, Mégantic, Québec… font déjà état de dommages et de pertes.

En effet, dès la fin du mois d’avril 1903, la région des Hautes-Laurentides était déjà la proie des flammes :

Journal «La Patrie» du 11 mai 1903

Dans La Patrie du 11 mai 1903, la chroniqueuse Madeleine consacre, sous le titre « À travers le Nord », sa chronique hebdomadaire à l’aide à apporter aux sinistrés :

Je viens de traverser le beau pays où tout brûle. J’ai vu les incendies immenses des montagnes, j’ai respiré l’âcre parfum de ces bûchers géants et, en admirant le panorama de feu, je songeais à ces chers colons qui voient, dans une minute d’indicible horreur, tout leurs biens s’en aller en petite flamme bleue, là-haut.

Tout est brûlé : grange, écurie, maison; tous les meubles, le linge, les habillements de toute la famille, les semences, les pommes de terre, tous les instruments pour la culture, deux cochons, toutes nos provisions pour l’année […]

Quel navrement; le cœur en fait mal! […]

Et je vous écris cette prière sur les bords du lac Labelle, dont les flots chantent leurs mélodies rêveuses, pendant que les lueurs des grands feux embrasent une partie de l’horizon… 

Mais le feu « descend » vers Sainte-Agathe (dont Belisle’s Mill fait partie) et par la suite vers Sainte-Adèle et Saint-Jérôme.

 

À Sainte-Agathe

(Spécial au « Canada »)

Sainte-Agathe —Le feu est en train de dévaster toute notre région. Parti de Labelle il y a quelques semaines il est descendu jusqu’ici, causant sur son passage des dommages considérables. À Labelle, il a dévasté une grande superficie de forêt, ruinant, de ce fait, un grand nombre de pauvres colons qui demandaient leur subsistance au commerce du bois.

Aujourd’hui le feu est arrivé sur notre territoire, et depuis ce matin, il ravage la partie nord de notre village. Le désastre est certain car l’élément destructeur est incontrôlable.

Toute la population est sur pied depuis le moment où s’est déclaré l’incendie et elle fait des efforts surhumains pour protéger le village contre l’envahissement des flammes. On a réussi à sauver les usines électriques.

Les moulins de M. Côté ont été détruits ainsi que plusieurs granges et remises. Les flammes ont réussi à dévorer un pont, dévorer est bien le mot — car en quelque vingt minutes, le pont était en cendres. La destruction de ce pont aura pour conséquence de rendre impossibles, pour quelques jours au moins, les communications par chemin de fer. Ce soir le train qui part d’ici pour Montréal n’a pu partir; il n’est pas monté de train de Montréal ce soir. J’apprends que demain non plus, nous ne pourrons avoir de train.

Maintenant, il n’y a pas que la partie nord de notre village qui soit la proie des flammes : actuellement le feu fait des siennes à quelques milles plus bas que Sainte-Agathe. Mais les deux feux s’en vont dans la même direction, c’est-à-dire vers Saint-Jérôme.

Au-dessus de nous le ciel est noir de fumée. On est forcé de se tenir un mouchoir mouillé sur la bouche, pour ne pas aspirer de fumée. On ne peut encore donner exactement toute la portée du désastre. Mais du train que vont les choses, Sainte-Agathe est en danger. À onze heures, nous n’avons pu réussir à avoir d’autres renseignements.

 

Belisle’s Mills

(Spécial au « Canada »)

Belisle’s Mills, via Sainte-Agathe — À plusieurs milles aux environs de Belisle’s Mills le feu fait son œuvre dévastatrice. Plusieurs demeures, en villégiature, ont été détruites ainsi que les dépendances de plusieurs fermes. On croit que cet incendie va compromettre grandement les récoltes. Les pertes seront très grandes.

«La Presse», 4 juin 1903

 

Quelques jours plus tard (le 8 juin 1903), Le Canada publiait une mise à jour de sa nouvelle :

Le feu à Sainte-Agathe

Contrairement à ce que les journaux ont annoncé, les moulins C. E. Parent et de Côté et fils, de Sainte-Agathe, ne sont pas brûlés. Il n’y a que le moulin Marier, appartenant à l’honorable M. Préfontaine, et celui de M. Belisle qui sont brûlés.

 

Le 17 mai 1903, à la suite du feu, la Municipalité de Sainte-Agathe achète une pompe incendie à Montréal, chez Morrission & Cie, ainsi que des dévidoirs et des boyaux incendie.

Le 28 mai 1903, l’Avenir du Nord annonce enfin de la pluie pour Sainte-Adèle, ce qui devrait mettre fin aux feux dans cette région. Il semble d’ailleurs que la pluie mit fin à ce terrible printemps un peu partout au Québec au début de juin 1903.

 

Nous n’avons trouvé que peu d’informations sur les dommages réels et la localisation exacte des pertes à Belisle’s Mills, maintenant devenu Val-David. Certains anciens du village ont affirmé avoir observé des dégâts dus à l’incendie sur certains de nos monts ou collines. Toutefois, ces montagnes un peu nues pourraient également être la conséquence de l’abattage du bois qui, à cette époque, est fréquent. L’arrivée du train en 1892 à Belisle’s Mills avait ouvert, pour les colons, la possibilité de la vente de bois pour Montréal.

Les montagnes un peu dénudées du début du siècle

(feu ou coupe de bois?)

Vieille carte postale du lac Paquin. Archives SHPVD. Vers 1920
Photo du mont Césaire. Archives SHPVD. Dans les années 1930