Maison Actualité Cinéma, cinéma… Je t’aime!!

Cinéma, cinéma… Je t’aime!!

Jocelyne Aird-Bélanger

Résidente de Val-David

Le film de ma longue aventure avec le cinéma se déroule sur plus de sept décennies… 

 

Je devais avoir 7 ou 8 ans quand je suis tombée en amour, complètement séduite et passionnée pour toujours par ce qui se déroulait au grand écran, envoûtée, absorbée par mon premier grand film, le plus magique, le plus coloré, le si merveilleux FANTASIA. Je venais de voir, transposée en images, la grande musique dansant dans une avalanche de couleurs. Puis, il y eut tous les autres chefs-d’œuvre de Disney, Mickey Mouse et Blanche-Neige et les Sept Nains, ou encore Pinocchio, présentés dans les écoles, les salles paroissiales ou les théâtres bien avant que la télévision ne nous les propose directement dans nos maisons, en petits formats, et en noir et blanc.

L’été, en vacances au chalet de ma grand-maman au lac Sarrazin, c’est à la salle municipale de Sainte-Lucie que le cinéma nous rattrapait. Le curé de mon enfance était amateur de cinéma. Chaque semaine, le mercredi soir, il présentait des films d’aventure épiques, de cowboy et d’Indiens sur un écran un peu tremblotant. Tout un groupe de jeunes, dont des enfants comme mes frères et moi, marchait jusqu’au village, sur une petite route de terre, sautant par-dessus le ruisseau aux écrevisses au bout du lac, pour se rendre à cette projection essentielle à la suite de nos aventures tout le reste de la semaine. Retour à pied, sous un ciel étoilé, dans le filet de lumière de nos lampes de poche. C’est en haut, dans la salle du projectionniste, que j’assistais souvent à ces films en compagnie de l’aimable curé et de sa nièce qui, heureux hasard, avait le même prénom que le mien. Cinéma paradiso au creux des montagnes! Magie, loin de la ville, assise à côté du projecteur qui clignotait vaillamment… Un des films choisis par cet homme intelligent se nommait Les Anges marqués. Tourné par la Croix-Rouge en 1948, il racontait l’épopée des enfants aux bras tatoués, libérés des camps de concentration, qui déambulaient, affamés et perdus, dans un Berlin en ruine à la recherche de leurs parents. Je ne l’ai jamais oublié, totalement marquée à mon tour par l’horreur de la guerre et la fragilité de la vie.

James Dean (1931-1955)
La Fureur de vivre (Rebel Without a Cause)

Un peu plus tard, au coin de la rue du quartier de Montréal où j’ai grandi, il y avait un cinéma, comme c’était souvent le cas à l’époque. Dans ces années-là, il fallait avoir 16 ans pour entrer au cinéma, une loi promulguée à la suite d’un violent incendie dans un théâtre où avait péri un grand nombre de victimes, surtout des enfants. Que de costumes et autres trucs les jeunes inventaient-ils alors pour y accéder un peu partout au Québec! Comédies musicales, films de suspense, ou romances, Marlon Brando en 1953 dans L’Équipée sauvage ou, en 1955, James Dean dans la Fureur de vivre, comment résister à cela? Nos vedettes et modèles nous faisaient rêver. Nous sortions du cinéma, vaguement hallucinés, ravis et encore un peu perdus, avant de replonger dans la vraie vie si ordinaire…

Des cinéclubs très fréquentés nous ont initiés aux multiples métiers du cinéma et à ses techniques nombreuses et complexes. Réalisation, scénarisation, montage, éclairage, sonorisation, maquillage, décors : toute une panoplie de spécialités se déployait et un travail d’équipe intense se révélait indispensable à la création de ces films qui nous émerveillaient tant, hier comme aujourd’hui. On aura beau filmer à qui mieux mieux avec tablettes ou téléphones, on ne devient évidemment pas cinéaste pour autant… Le cinéma, ce septième art, est un art exigeant.

Aujourd’hui, la magie existe toujours. Bien que nous soyons inondés de séries télévisées, de vieux films repris au petit écran, rien ne remplace la projection d’un film dans la salle obscure d’un cinéma, sur un GRAND écran qui enveloppe et aspire son public dans le monde irréel du « gars des vues ». L’envoûtement existe toujours surtout quand on a la chance de voir de bons films dans un cinéma de qualité tel le Pine. L’histoire de ce cinéma équipé des plus récentes technologies, dirigé par la même famille depuis plus de 70 ans, suit avec succès l’évolution de Sainte-Adèle et de notre région. On croirait deux films parallèles dont l’un est issu de la tragédie génocidaire vécue en Arménie par les fondateurs, immigrés dans notre pays dans l’espoir de se créer une vie nouvelle. Grâce à la constance du travail et à l’expérience des Fermanian, convaincus de l’avenir de cet art si puissant, nous avons la chance de voir dans les meilleures conditions les films les plus récents, les grands opéras du Met projetés dans le monde entier, en plus de films étrangers ou de lancements de films québécois. On fréquentait déjà ce cinéma autrefois l’été, mes amis et moi, lorsque la programmation du Roxy ou de l’Alhambra à Sainte-Agathe ne nous convenait pas. L’hiver, les affiches des théâtres illuminés de la rue Sainte-Catherine, du Loew’s, du Princess, du Séville ou du Capitole nous attiraient régulièrement, seuls ou en groupe. C’est également là qu’eurent lieu les premiers Festivals de films internationaux. Le Théâtre du Marais de Val-Morin présente assez souvent des films, et depuis deux ans, un Festival de films d’auteur, accroissant ainsi l’offre cinématographique dans les Laurentides.

Le cinéma, un amour qui ne veut pas mourir… toujours renouvelé, toujours aussi inspirant et prodigieux…

 

À lire :

– LE ROMAN DE HOLLYWOOD, Jacqueline Monsigny et Edward Meeks, Éditions du Rocher, 2006

– LA FAMILLE FERMANIAN, L’histoire du cinéma Pine de Sainte-Adèle, Stéphane Desjardins, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2022