Nous avons aujourd’hui le privilège de vous présenter en exclusivité une nouvelle chronique rédigée par Nelly Allard, enseignante d’anglais en République dominicaine. Vous y découvrirez la vie intense et souvent difficile mais combien passionnante d’une prof qui n’a pas froid aux yeux. Et qui aime les enfants par-dessus tout.
Nelly Allard
Résidente de Sainte-Adèle
Dans les prochains numéros, j’aurai la chance, via le Ski-se-Dit, de partager avec vous mon projet BeCause Munoz, un programme offrant des cours d’anglais dans le batey de Munoz en République dominicaine.
D’abord : qu’est-ce qu’un batey?
Le pays en compte environ 450. Huit pour cent de la population du pays y vit. Les bateys sont d’anciens camps de coupeurs de canne à sucre où vivent des générations d’Haïtiens en situation irrégulière. L’intimité y est inexistante. L’accès à l’eau et à des toilettes, presque absent. La peur de voir débarquer l’immigration la nuit pour déporter des gens qui, souvent, n’ont jamais mis les pieds à Haïti est constante. Même si la plupart des habitants sont bien nés en République dominicaine, la police peut les déporter en tout temps, faute d’avoir des papiers.
Que leur réserve la vie?
L’accès à l’école y est problématique. L’accès à la propriété, impensable. Le mot « projet » est inexistant. En effet, si on ne peut ouvrir un compte bancaire ou se véhiculer librement sur le territoire… Les bateys deviennent des ghettos où les habitants sont vulnérables face à l’immigration, qui sait exactement où les trouver.
Dans ce chaos où chacun porte son trauma, des enfants jouent au foot. Des mères élèvent une demi-douzaine d’enfants aux besoins grandissants. Des enfants travaillent. Des jeunes filles choisiront le chemin de Sosua, avec ses plages de gringos, pour « on sait quoi ». Des femmes âgées voyagent des kilomètres pour attendre des heures, avocats à la main, dans l’espoir d’en vendre quelques-uns. Les hommes partent tôt le matin pour aller brasser du ciment pour quelques centaines de pesos sous un soleil cuisant. C’est la vie haïtienne dans un pays où bon nombre ne veulent pas d’eux.
La situation haïtienne
En début d’année, un politicien a lancé l’idée de ne pas donner accès au transport collectif aux Haïtiens. Sauf que certains possèdent leurs papiers. Imaginez avoir pensé contrôler les gens en se basant sur leur couleur. Il faut savoir que les Dominicains ont la peau beaucoup plus claire. Il devient donc très facile d’identifier les Haïtiens.
La question haïtienne en République dominicaine est complexe. La communauté internationale, depuis l’indépendance d’Haïti, a toujours profité de l’instabilité du pays. À tour de rôle, les États-Unis, la France et le Canada ont empêché le pays de tenir des élections justes et sécuritaires en s’ingérant dans le processus électoral. Les Clinton ont fait des millions sur le dos des Haïtiens lors du tremblement de terre de 2010. Alors que j’habitais Cap-Haïtien, j’entendais souvent parler du scandale du riz américain, qui, instauré par Bill Clinton, poussera plusieurs agriculteurs à la faillite.
La situation géopolitique ne s’arrête pas à la frontière dominicaine. Sans être systématiquement racistes, nombre de Dominicains sont exaspérés de la pression que cause l’arrivée de tous ces Haïtiens. Quelle est la solution? Est-ce qu’il y a une solution si personne ne sait que ces personnes existent? Pour ma part, j’ai la conviction que cela passera par le dévoilement de l’existence de ces bateys, qui sont souvent à quelques pas seulement de ces hôtels 5 étoiles.
First, it is important to understand the batey, a village of Haitian sugar cane cutters living in deep and unrelenting poverty in the Dominican Republic. It is a contrast as stark and vast as any on earth.
— John Powers, Directeur de la Dominican Republic Mission Team (sur huffpost.com)