
Pour cette édition de juin, nous vous offrons une petite suite inédite de la poète laurentienne Geneviève Catta, que nous découvrons avec vous et, surtout, avec un très grand plaisir!
il n’y a pas de soleil pauvre
juste un grand manège
qui cherche
le bleu de l’herbe
avant les mains creuses
ou le sac mélangé et commotionné
j’aurais aimé connaître le bleu des lances et
la voix d’arbres attroupés dans son corps
et savoir qu’il suffit d’y rattacher ses os
pour éviter de tomber
— mais tu es parti
plus vite que mon sang
plus vite que nos ancêtres qui avec le vent terrible
mettent tout en feu dans la chambre contiguë
je crois que
le bleu se porte au cou comme pour la neige
c’est l’estuaire à l’horizontal sans faille de l’hiver
tu répétais
— ce jour est une peau de ciel à remercier
… … … …
le bleu a terminé ses éclats
je marchais pourtant dans sa chaleur
et ses petites toiles d’araignées
dos à la tragédie et dos au monde
sa voix seule utile à regarder l’eau dissoudre ma
/ carte du ciel
mais il fera froid de nouveau et sans saphir
je risque de me perdre à vue
le temps mène sa flânerie
répétais-tu quand je confondais ma main et la
/ terre ferme
si tu me lis dis-moi
depuis quand es-tu là à te charger de ma peur
… … … …
tes bras de forêt me tenaient au corps ce midi-là
je rentrais d’avoir posé mes mots
un pied devant l’autre
le bleu de l’hiver ébloui éteignait la lampe
la table brûlait
il y avait du miel dans le feu ordinaire
pareil à l’eau qui coule quand on broie du noir
le froid tenace dépêche sa volée d’oiseaux parlant
la grande neige à sa source laiteuse
les choses à leurs échardes
l’amour où aller
… … … …
quand les oiseaux s’exilent
c’est l’excès du vide
comme si le ciel
me remettait les clefs de son jusant
et me demandait pardon
de t’avoir crevé les yeux avec son bleu
je ferme les miens ensemble
par solidarité
parce que je n’aime pas regarder sans rien dire
parce que je te retrouverai bien un jour
au dernier blanc de ma page blanche
… … … …
le vent du nord
ses oiseaux en émoi et sa muraille blanche
c’est décembre
nuit bleue et solstice
les mains sont lentes
en pénombre de l’abri
— s’ébroue
la soie amoureuse
vient l’aube fragile
la reprise du jour
le temps sous les pas
et les traces effacées
on se dégage dedans
on s’échappe dehors
on traverse la clarté
enlacés
à la fugue horizontale
et la lune
demandes-tu
nous la cherchons
les yeux pendus à une étoile
pieds à pieds dans la froidure
soudain là
ouvrant
le carré tranquille
… … … …
on reprend un peu de la neige
avant de sentir brûler encore
et encore et encore
les bleus éclats dans nos yeux
le froid peut-il y entrer encore
et encore et encore
on a donné sa parole
— ne plus s’interroger
dehors la nuit
et le jour à sa place dans une autre chaleur
même si tout glisse au noeud gelé de la vie
— un seul souhait avant le hasard du souvenir
… … … …
cette nuit
à cause de l’ennui
j’ai fait un grand détour
tu éclatais bleu encore sans source ni plafond
l’arbre m’a raconté sa promenade
là-bas
sur le bois dur de la neige
il disait
courbes d’homme de femme
pavillons d’oiseaux
vignes de mémoire nouvelle
viens danser avec moi
— le vertige a fui après
les draps entreprenant des sillages à dévorer
… … … …
j’ai la manie
de mettre du bleu sous la neige
c’est pour hausser ma hanche ouverte
à l’ordinaire du prendre feu
le coeur rendu à sa musique
(un petit bruit de fête
le souffle à l’air)
j’imite l’oiseau
il se bat trouve sa place sur le perchoir
… … … …
aurais-je dû attendre
avant de ranger le couvert
je ne te vois pas
parmi les ombres courbes
l’amour s’est-il émietté
je suis naine
face aux saisons futures
et le bleu s’accroche à la lampe
comme un mensonge
qui subsiste
la nuit tangue
j’ai demandé au hibou
comment l’affronter
mais il rit
et agite ses aigrettes
… … … …
il n’y a pas de soleil pauvre
juste un grand manège
qui cherche
le bleu de l’herbe
et son centre le plus sensible
où risquer le regard
ce que nous sommes
— même douleur
de fièvre réconciliée
Geneviève Catta