Maison Actualité Un premier aqueduc (1928-1945?) La Corporation d’aqueduc de Val-David

Un premier aqueduc (1928-1945?) La Corporation d’aqueduc de Val-David

Exemple de conduite en bois découverte au Québec.

Paul Carle et Michel Allard, historiens

Lors de la création en 1921 de la municipalité de Saint-Jean-Baptiste-de-Bélisle, les membres du conseil se préoccupèrent d’abord, conformément à la loi de 1855 créant les municipalités, que de l’entretien des chemins, des ponts et des cours d’eau situés dans les limites territoriales de ladite municipalité[1]. Ainsi, la plus grande partie du budget fut consacrée à des travaux de voirie. Il semble cependant plausible d’affirmer qu’un système primitif d’aqueduc existait déjà sur le territoire actuel de la municipalité de Val-David puisqu’à sa séance du 6 août 1923[2], le Conseil autorisait Honoré Valiquette à remplacer un tuyau en bois par un autre en grès[3].

Val-David en 1928-1929

La population de Val-David en 1928-1928 compte de près de 1000 habitants. Le village est déjà devenu une destination touristique estivale; plus de 50 chalets sont construits le long de la rivière du Nord, et plusieurs autres sont en construction; on parle même d’un développement qualifié de prodigieux[4].

Exemple de conduite en bois découverte au Québec.

Le 5 juin 1928[5], le Conseil municipal adopte à l’unanimité une résolution voulant que « le secrétaire se mette en communication avec les compagnies d’utilité publique demandant l’envoi d’ingénieurs pour la construction d’un aqueduc[6] ». Cette demande a des suites, puisqu’à sa séance du 4 septembre 1928, une résolution du Conseil spécifie qu’il est devenu urgent de voir à l’établissement d’un service d’eau pour fins domestiques et autres dans la municipalité, mais que le Conseil ne croit pas à propos de faire immédiatement cette dépense nécessaire…

À cet égard, on adopte à l’unanimité le règlement no 16 « accordant à M.J.A. Fournier, ses successeurs et ayants droit certains privilèges relativement à l’établissement d’un système d’aqueduc dans les limites de cette municipalité[7] ». M.J.A. Fournier obtient un privilège pour 25 ans; il peut utiliser les chemins et places publiques; il peut procéder à des expropriations. En outre, il pourra tirer son eau d’une source située sur le lot 31 du rang 10 ou le lot 25 du rang 11 du canton Morin. Il est en outre stipulé que : la Municipalité pourra, après le 1er mai 1933, racheter l’aqueduc de M.J.A. Fournier.

Mention au procès-verbal de la source possible pour puiser l’eau. La source choisie n’est pas formellement identifiée : le lot 31 du rang 10 correspond vaguement à l’emplacement des moulins du village, le lot 25 du rang 11 se situe sur le territoire de Val-Morin. On mentionnera vers la fin des années 30 des « sources Maurice GrandMaison », mais la situation exacte de celles-ci demeure inconnue.

La Corporation d’aqueduc de Val-David reçoit ses lettres patentes le 27 avril 1929. Les travaux commencent en mai 1929. On installe un tuyau 6 pouces de diamètre en fonte de la source jusqu’au village, puis un second en fonte de 4 pouces et un troisième de 3 pouces; des tuyaux de 5/8 de pouce relient chacune des propriétés au réseau. En tout, on installe 12 700 pieds de tuyau. La pression dans le système peut atteindre 35 livres. Selon la Corporation de l’aqueduc, ces dispositions mettent la population à l’abri des épidémies[8]. On étudie ensuite les mesures afin d’assurer un service de protection contre l’incendie en construisant des citernes alimentées par l’aqueduc. Nous ne croyons pas qu’une suite fut donnée à ces études.

En mars 1931, une première offre de 21 000 $ (intérêts de 2,5 % payables à 15 ans [sic]) est déposée par la Municipalité pour racheter l’aqueduc. J.A. Fournier répond en exigeant 17 000 $ comptant[9], que le Conseil refuse de payer.

Pendant la décennie 1930-40, le Conseil interviendra à de nombreuses reprises auprès de la Corporation d’aqueduc de Val-David, pour répondre aux plaintes des propriétaires insatisfaits de la fiabilité, de la pression, du service, du manque d’eau…

La Municipalité n’a plus en sa possession le Cahier des procès-verbaux de 1940 à 1948. Nous ne connaissons donc pas la date exacte du rachat par la Municipalité de l’aqueduc. Lorsque reprennent les procès-verbaux en mars 1948, la Municipalité est déjà propriétaire de l’aqueduc et l’entretient. Nous verrons, dans un prochain article, que l’aqueduc municipal, à la fin des années 1940, est devenu un véritable problème.

La Corporation d’aqueduc de Val-David sera définitivement dissolue en 1978.

L’Action Catholique, 15 août 1929

 

Frais semi-annuels d’aqueduc établis en 1928

Payables deux fois par année, les 1er avril et 1er octobre

A.    Maison d’habitation  
1er robinet 11,00 $
Second robinet 2,50 $
Robinet additionnel 1,50 $
Cabinet d’aisances 2,50 $
Bain 1,50 $
B.     Étable et écurie  
Autres que cultivateurs 9,00 $
Chez les cultivateurs pour service d’eau à être pris à la maison pour chaque cheval ou bête à cornes 15,00 $
C.    Salon de barbier et restaurant  
1er robinet 12,50 $
2e robinet 2,20 $
Robinet additionnel 1,50 $
Cabinet d’aisances 2,50 $
D.   Magasin, épicerie, boutique  
Premier robinet 14,00 $
Autre service suivant tarif A  
E.     Hôtel et maison de pension  
1er robinet jusqu’à 10 chambres 50,00 $
1er robinet jusqu’à 20 chambres 75,00 $
Cabinet d’aisances 1,75 $
Autre service suivant tarif A  
F.     Boucherie  
Premier robinet 20,00 $
G.   Boulangerie  
Premier robinet 16,00 $
H.   Beurrerie et fromagerie  
15,00 $ pour chaque mille gallons                            minimum 27,50 $
I.     Machine à vapeur, moulin à bois  
Pour chaque cheval valeur 1,25 $ minimum 22,00 $
J.     Laveuse domestique utilisant l’aqueduc 13,00 $
K.   Boyaux d’arrosage  
Pour l’extérieur de maison 1,50 $
L.    Abreuvoirs  
Dans les champs ou jardins 6,00 $
M.  Garage  
Faisant le lavage d’autos 22,00 $
N.   Maison d’école  
Jusqu’à 25 personnes 12,50 $
25 personnes et plus par personne 0,50 $
O.   Église 15,00 $
P.    Salle publique 11,00 $
Q.   Station de chemin de fer 16,00 $

Extrait du règlement no 16, 86e session conseil municipal, 4 septembre 1928


[1] À cet égard, voir l’article traitant des structures municipales : Ski-de-Dit, vol. 48, no 1, janvier 2021

[2]  Procès-verbal du 6 août 1923, Archives de la municipalité de Val-David

[3] Quelques citoyens de Val-David (notamment Réjean Paquin et Claude Lavallée) nous ont mentionné avoir déjà vu d’anciens tuyaux de bois sur le territoire de la municipalité. Si vous en avez vu ou en avez des pièces, veuillez communiquer avec nous.

[4] Le Soleil, 7 septembre 1929.

[5] À cet égard, voir l’article traitant des utilités publiques : Ski-de-Dit, vol. 48, no 2, février 2021

[6] Procès-verbal du 5 juin 1925, Archives de la municipalité de Val-David

[7] Procès-verbal du 4 septembre 1928, Archives de la municipalité de Val-David

[8] Le Soleil, 7 septembre 1929

[9] Procès-verbal du Conseil de la municipalité le 2 mars 1931 et celui du 4 mai 1931, p. 34 et 37, Archives de la municipalité de Val-David