Jocelyne Aird-Bélanger
Résidente de Val-David
Au cœur de Val-Morin jaillit à la façade du jeune Théâtre du Marais une grande œuvre pleine d’énergie et de vivacité de l’artiste Gilles Boisvert, qui vit et travaille dans cette petite municipalité des Laurentides depuis 1978. La grande verrière illustre avec éclat le travail gestuel de ce peintre qui pratique aussi bien la sculpture que les métiers de la gravure, comme on peut le découvrir dans le livre exhaustif qui vient d’être publié sur ses 60 ans de carrière. Cette monographie captivante suit pas à pas les diverses étapes de sa vie rugueuse d’artiste, décrite en parallèle avec les événements phares survenus dans le domaine des arts contemporains ici et ailleurs de même que sur la scène internationale.
Issu d’une grande famille montréalaise de 10 enfants, assombri par le décès prématuré de son père lorsqu’il n’a que 14 ans, Boisvert appendra très jeune à se débrouiller seul. Il
étudiera quelques années à l’École des Beaux-Arts de Montréal, où il fréquentera assidûment l’imposante bibliothèque qui l’initiera entre autres aux trésors de l’art asiatique. Albert Dumouchel, reconnu comme le père de la gravure au Québec, l’acceptera comme étudiant libre pendant quelques années aux cours d’art imprimé qu’il animait avec une énergie communicative pour tout un groupe de jeunes artistes de la relève bien différents de leurs prédécesseurs.
Toujours intéressé par son environnement, Boisvert s’est longtemps promené, caméra à la main, photographiant au hasard des inconnus, des passants, des gens de la rue, pour les inclure par la suite dans sa peinture et fixer à sa manière une partie du monde mouvant qui nous entoure. Il a aussi repris des moments cruciaux de l’actualité internationale, comme des images cruelles de la guerre du Vietnam, ou encore des sujets relatifs à la situation politique dans notre propre pays — ce qui ne lui a pas toujours été bénéfique…
L’artiste a voyagé pour élargir ses horizons, voir ce qui se passe dans d’autres cultures et renouveler son inspiration. Il a ainsi traversé les États-Unis pour se rendre au Mexique et connaître les cultures précolombiennes, leur art majestueux et souvent violent, vécu quelque temps en Californie et souvent voyagé à New York, où les artistes de sa génération créent une peinture originale, totalement américaine, « action painting », pop art, etc. Il séjourne quelque temps à Paris et ailleurs en France pour faire connaître son travail. Après avoir quitté la ville et s’être installé dans les Laurentides, il fréquente l’Atelier de l’île de Val-David, fondé par Michel Thomas Tremblay en 1975. En tant que président, il supervise en 1987 le déménagement de l’atelier au cœur du village et met à profit son expérience dans divers autres ateliers de gravure pour installer, avec des artistes jeunes et moins jeunes, ce centre d’artistes qui célébrera ses 50 ans l’année prochaine.
Que ce soit grâce aux étapes successives de LA LIGNE DU TEMPS où sont fidèlement répertoriées chronologiquement plus de 200 expositions où ses œuvres ont été présentées au public, à la préface personnelle et chaleureuse rédigée par sa nièce, aux photographies si bien reproduites de ses peintures, gravures, sculptures et œuvres architecturales, ce beau livre rouge extrêmement documenté est plus qu’une monographie au sujet de cet artiste important, c’est un voyage dans la culture du Québec des années 1960 jusqu’à nos jours à travers la vie intense d’un artiste cohérent et toujours actif dont le geste même est un témoignage de la vitalité de la création de notre pays.
Pour en voir et en savoir plus : www.gillesboisvert.net