Maison Actualité Environnement – Renverser la tendance

Environnement – Renverser la tendance

Bruno Marquis

Comme le rapportait M. Yves Nantel dans sa chronique sur l’environnement du mois dernier, on dépassera vraisemblablement pour la première fois en 2024 le seuil critique du réchauffement climatique de 1,5 ℃ – par rapport à la température globale de la fin du XIXe siècle – fixé lors de l’Accord de Paris conclu en 2015 (COP21). L’année 2023 s’était pour sa part conclue avec 1,48 ℃, ce qui était tout juste sous cette limite.

À la lumière de ces piètres résultats et pour éviter le pire, la neutralité carbone devra ainsi être atteinte une douzaine d’années plus tôt que prévu, selon une étude du Global Carbon Project publiée en novembre, soit vers la fin des années 2030 – donc dans une quinzaine d’années – plutôt qu’en 2050.

Plusieurs nous diront que la venue de gouvernements situés très à droite sur l’échiquier politique – et en premier lieu l’élection de Donald Trump aux États-Unis – ne fera qu’empirer la situation, mais c’est oublier que l’état des choses, même sous des gouvernements moins à droite, n’est pas non plus viable.  Quels que soient les gouvernements en place, nous devons tous agir du mieux que nous le pouvons pour renverser la situation, à défaut de quoi les décideurs politiques, qui ont bien souvent partie liée avec les moyennes et grandes entreprises, les multinationales la plupart du temps, continueront, dans l’inaction, à nous servir leurs boniments habituels, comme sait si bien le faire depuis 2015 le premier ministre canadien Justin Trudeau.

Je l’ai déjà mentionné, nous sommes beaucoup moins seuls que nous le croyons à pouvoir agir et à le faire. Je tiens à mentionner ici certaines initiatives près de chez nous auxquelles nous pourrions apporter notre soutien, sinon notre contribution. De pareilles initiatives ont aussi lieu ailleurs, et leur multiplication et leur succès pourraient certainement changer les choses.

 

Faire payer les pétrolières

Québec solidaire, par la voix de sa co-porte-parole Ruba Ghazal, a demandé en novembre au gouvernement du Québec de poursuivre en justice les grandes pétrolières pour les dommages causés par les changements climatiques. Il s’agit, en mon sens, d’une occasion unique, en se ralliant massivement à cette requête, de mettre encore davantage en lumière le rôle dévastateur des grandes pétrolières dans la destruction de nos environnements et la nécessité de mettre fin rapidement aux exploitations pétrolières. De les faire payer les dégâts aussi, plutôt que d’en refiler encore une fois la facture aux contribuables.

Shell, Suncor, Valero et Exxon, qui vendent du pétrole au Québec, ont trompé le public en minimisant les risques que représentent les énergies fossiles pour le climat, et ils doivent payer pour les dégâts. Une étude de la revue Science publiée en 2023 montre, par exemple, qu’Exxon Mobil, propriétaire de la marque Esso, a longtemps caché au public qu’elle connaissait le lien de causalité entre la production de pétrole et la crise climatique. Pendant des décennies, le géant pétrolier a mis en doute publiquement la réalité du réchauffement climatique et a nié l’exactitude des modèles climatiques des scientifiques. Pourtant, différentes enquêtes, dont celle publiée dans Science, montrent qu’Exxon disposait, dès les années 1980, de travaux scientifiques à l’interne lui permettant de prédire avec précision les changements climatiques.

À elles seules, les pétrolières sont responsables du tiers – voire de la moitié – des gaz à effet de serre mondiaux. De telles poursuites judiciaires, qui ont aussi cours ailleurs dans le monde, pourraient avoir un impact significatif sur la réduction des gaz à effet de serre et la lutte aux changements climatiques. (Des dizaines de municipalités américaines ainsi que huit États et Washington, D.C., ont entre autres ainsi poursuivi des sociétés pétrolières et gazières ces dernières années pour leur rôle dans les changements climatiques, selon les données du Center for Climate Integrity.)

Tous les partis politiques disent vouloir protéger le Québec des changements climatiques. Nous devons les amener massivement en ce sens à contraindre le gouvernement du Québec à engager de telles poursuites judiciaires contre ces grandes pétrolières. Des grandes villes du Québec pourraient d’ailleurs aussi entreprendre individuellement ou conjointement de telles poursuites.

 

Engagements des grandes villes

La ville de Montréal s’est lancé comme objectif en 2019 de réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, puis d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, et s’y est employée dans le cadre du Partenariat Climat Montréal. La ville de Gatineau est de son côté en train de procéder à une mobilisation, sous la gouverne de l’ancien maire et actuel conseiller Marc Bureau, en vue de donner une impulsion nouvelle à son propre Plan climat, adopté en 2021 et visant, pour sa part, à réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant de la communauté de 35 % par rapport aux niveaux de 2015 et la carboneutralité en 2050, elle aussi.

Ces initiatives doivent être soutenues et encouragées par les citoyens. Elles doivent aussi impliquer de plus en plus l’ensemble des forces progressistes pour éviter que leurs fins ne soient dévoyées par les forces de l’argent et les intérêts financiers, pour que le poids des changements nécessaires ne soit pas non plus porté par les moins nantis et les plus vulnérables, comme cela a été le cas en France lors de la juste révolte des Gilets jaunes. Nous avons tous intérêt, dans notre lutte contre les changements climatiques, à suivre de très près le déploiement et les mesures prises dans le cadre de ces initiatives et d’en corriger au besoin l’orientation, pour en réévaluer aussi à la hausse les engagements.

Nous pouvons également y proposer de nouvelles approches et projets, comme celui, mentionné plus haut, de poursuivre individuellement ou collectivement les grandes pétrolières. Les administrations municipales sont, rappelons-le, beaucoup plus proches des citoyens et de leurs préoccupations que ne le sont les gouvernements.

 

Lire, écrire, parler

De nombreux groupes de pression et de défense de l’environnement, dont nous ignorons parfois l’existence, méritent aussi notre soutien et notre collaboration, tant à l’échelle nationale que locale. Ils fournissent souvent de précieuses informations et des données utiles sur de nombreux dossiers liés à l’environnement. Ils nous permettent de bien nous renseigner pour militer et communiquer de façon claire et informée avec nos proches sur ces sujets d’importance pour notre avenir commun.

On mesure mal, à cet égard, l’impact de nos propos et de nos positions environnementales et sociales sur nos proches. Dans un texte publié le mois dernier dans Le Devoir, Alexis Riopel nous explique que la plupart des Québécois, selon un sondage Léger, font « tout à fait confiance » ou « plutôt confiance » aux personnes de leur entourage qui connaissent mieux qu’eux certains sujets. Ils font aussi grandement confiance (78 %) aux gens qui leur ressemblent et qui font face aux mêmes réalités. Une bonne façon, en s’informant et en s’impliquant davantage en matière d’environnement, de changer les choses en multipliant les efforts de conscientisation.

Ce sont tous ces gestes souvent isolés qui feront ultimement la différence.

Moins que jamais il n’est question de baisser les bras!

 

 

 

 

Sources : Le Devoir, La Presse+, Le Droit, Ski-se-Dit et le site Web de la ville de Montréal.