
Jocelyne Aird-Bélanger
Résidente de Val-David
Victime de son succès, l’Atelier de l’île était fréquenté à toute heure, la semaine comme les fins de semaine, et il devient de plus en plus difficile pour le fondateur, Michel Thomas Tremblay, de concilier sa vie de famille et celle de cet atelier collectif tout juste derrière sa maison. Il en vient même à se demander s’il ne devrait pas carrément le fermer. Une importante réunion est convoquée pour discuter de l’avenir de l’atelier et trouver des solutions à cette situation périlleuse. Gilles Boisvert, frappé par la quantité de jeunes artistes parmi la vingtaine de membres présents, se proposa pour assurer la survie de l’atelier et chercher un nouveau local afin de permettre aux artistes de continuer à partager l’équipement et la dynamique créée par ce regroupement depuis 12 ans. Devenu président, accompagné par Indira Nair, soutenu par un groupe d’artistes engagés, Boisvert se mettra à la recherche d’un lieu pour transplanter l’Atelier de l’île. Et c’est au cœur du village, près de la voie ferrée, qu’ils trouveront un vaste espace suffisant pour le grand déménagement qui s’annonçait. Situé au-dessus de ce qui avait été une salle de quilles, doté d’une grande porte de garage au deuxième, cet espace avait autrefois servi pour entreposer le bois que vendaient les Dufresne dans leur magasin général.
Bel espace, éclairé mais vide! Le local du bas étant déjà occupé par une petite entreprise, il fallut bien se résigner à monter l’équipement et les matériaux nécessaires à la gravure… encres, rouleaux, pierre de litho, presse de lithographie, équipement photo et batteur de pulpe pour la fabrication de papier matière, etc. Gilles Boisvert avait fréquenté de nombreux ateliers collectifs d’art imprimé tels Arachel, l’Atelier libre de recherche graphique et Graff, à Montréal, avant d’intégrer l’Atelier de l’île de Val-David au cours des années 70. Comme président, il planifia le déménagement et la réorganisation de ce nouveau lieu de travail, en dessina les plans d’aménagement et supervisa l’installation des presses et des nouveaux équipements. Beaucoup d’efforts furent investis par lui et tout un groupe d’artistes pour relocaliser l’atelier et lui donner une nouvelle impulsion créatrice. Le regretté Marcel Carrier – le voisin d’en bas – Jean Pettigrew, Jeff Stellick, Gilles Boisvert et quelques autres construisirent le mobilier. Catherine Bouruet-Aubertot, Jocelyne Petit, Bonnie Baxter et la coordonnatrice, Jocelyne Aird-Bélanger, entre autres, se mirent aux pinceaux dans l’atelier et le bureau, la salle des acides, la chambre noire, la salle d’exposition, etc. Le chauffage, la plomberie et la ventilation furent aussi installés dans tout ce bel espace de travail.
Il fallut aussi commander, avec l’appui du ministère des Affaires culturelles, une nouvelle presse d’eau-forte chez André Beaudoin, directeur de l’Américain French Tool, car l’originale appartenait à Michel Thomas. Pesant une tonne, elle arriva de Rochester, près de Boston, le 3 juin 1987 et fut hissée, ainsi qu’une plus petite, jusqu’à la porte du garage à l’aide d’une grue avant d’être glissée là où elle roule toujours depuis ce temps.
Dès cet été-là, l’Atelier organisa des stages de formation et de perfectionnement en sérigraphie, bois gravé et papier-matière et même en typographie grâce à la presse Vandercook que lui avait donnée Jean Langevin, un imprimeur résident de Val-David. Poursuivant son mandat multidisciplinaire, ouvert à tous les artistes intéressés par la gravure, l’Atelier a continué à inviter régulièrement des artistes en résidence et à faire vivre sous toutes leurs formes dans notre région les arts imprimés, ces arts très anciens mais toujours renouvelés par l’intégration continue des techniques les plus récentes et les créations d’artistes du pays et d’ailleurs.
EN SOUVENIR DE MICHEL THOMAS TREMBLAY
C’est avec grand regret que nous avons appris, le 10 février dernier, le décès de Michel-Thomas Tremblay, fondateur de l’Atelier de l’île. Nous aurions souhaité le remercier et célébrer avec lui les 50 ans de cet atelier qu’il a eu la générosité de fonder, de mettre sur pied et d’installer sur son île pour accueillir les artistes avec qui il partageait sa passion pour la gravure.
Un artiste et citoyen unique vient de nous quitter… Que son œuvre continue encore longtemps, à sa mémoire…
Nos sincères condoléances à toute sa famille proche et éloignée.